Retour sur une œuvre majeur du cinéma hollywoodien.
Introduction :
C’est aux travers des sujets d’actualités que j’ai décidé de commencer notre nouvelle rubrique avec « Le Royaume » réalisé par Peter Berg. Sorti en 2007 juste avant Hancock du même réalisateur, « Le Royaume » subit la foudre de nombreuses critiques presses et spectateurs à cause de son sujet brulant plus que d’actualité et d’une conclusion pessimiste mais malheureusement tout ce qu’il y a de plus réel. Taxé d’œuvre pro-bush pour certains, ultra patriotique pour d’autre, caricature des musulmans, film « pro-haine », ultra propagandiste, phrase finale choc…C’est donc un come-back qui s’impose pour cette œuvre injustement boudé, peut-être mal comprise du cinéma d’action hollywoodien et aussi pour le meilleur film de Peter Berg à ce jour (réalisateur et créateur de la série Friday night lights).
Le scénario du « Royaume » s’inspire de l’attentat des tours de Khobar perpétré en Arabie Saoudite en 1996 contre Saudi Aramco (l’une des premières compagnies pétrolières mondiales). De nombreuses victimes de ressortissants américains sont tuées, une équipe du FBI est envoyé sur place pour enquêter et c’est à partir de ce fait réel que le réalisateur décida d’ancrer le scénario fictif du « Royaume ».
On commence par un cours d’histoire-géo et une baffe dans ta gueule :
Le générique de début du « Royaume » reste un modèle de performance dans ce qui est de présenter avec simplicité une situation et un contexte (contexte actuelle qui lie les deux nations et qui n’est pas vraiment aux beaux fixes). Frénétique, nous plaçant brutalement au cœur d’un Chaos politico-économique entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, Peter Berg nous apprend en seulement une poignée de minutes tout ce qu’il y a à savoir sur les relations qui lient les deux pays. D’une manière on ne peut plus directe en passant par la découverte du pétrole, les accords commerciaux, la dépendance des USA pour l’or noir, les conséquences ainsi que les répercutions à l’échelle mondiale en passant par l’attentat du 11 septembre...Peter Berg dresse à travers un regard noir un bilan bien triste de son propre pays en ne prenant aucune pincette, tétanisant !
Choc des cultures :
Effectivement, le cinéaste est parfaitement conscient du sujet auquel il décide de s’attaquer. Conscient des préjugés que son pays peut avoir envers le Moyen-Orient et de manière générale envers le peuple musulman que l’attentat du 11 septembre n’a rien arrangé. A travers les enquêteurs emmenés par Jamie Foxx, Peter Berg cristallise en quelques sortes ces fameux préjugés d’une Amérique portant encore les stigmates du 11 septembre et c’est en faisant la rencontre avec le colonel Al-Ghazi (merveilleusement interprété par Ashraf Barhom) que nait une certaine forme d’espoir mais surtout d’humanité. Axe principal du métrage, « Le Royaume » raconte la naissance d’une amitié entre deux hommes à travers le dialogue, la connaissance, l’apprentissage et la découverte de l’autre en confrontant deux cultures radicalement différentes. Le deuxième axe est l’enquête. L’agent Fleury et ses partenaires ont pour but de retrouver les traces d’un terroriste et ils disposent de seulement 5 jours pour y parvenir avant d’être réexpédier sur le sol américain.
« On va tous les tués »
Ce faisant littéralement mitrailler de toute part par la presse spécialisé ainsi qu’une certaine partie du public traitant « Le Royaume » de n’être qu’une œuvre pro-bush, Peter Berg n’a pourtant jamais prétendu délivré un quelconque message politique. Le but étant pour lui de réussir à mêlé film d’action « traditionnel » avec en toile de fond un sujet d’actualité riche certes très dense et délicat en se plaçant uniquement comme « spectateur » devant un tel spectacle/massacre. C’est peut-être ici que « Le Royaume » à pêcher pour une certaines partie du public seulement combien de films américains se sont aussi servit de sujet épineux pour mettre en scène et raconter des histoires ? « Blood Diamond » où encore « Dans la vallée d’Ellah » ne sont que des exemples parmi tant d’autre. Le faite est que « Le Royaume » traine bizarrement plus que les autres, de sacrés casseroles derrière lui mais pourquoi ? Mauvais planning de sortie ou réaction purement « Frenchi » ? L’antiaméricanisme est-il une spécificité française ? L’antipathie est-elle politique ou d’abord culturelle ?
Pourtant, c’est en mettant parfaitement bien en exergue la réalité que Peter Berg réalise « Le Royaume ». Le réalisateur ne s’embarrasse pas de tabou en passant par l’attentat d’un nazislamiste kamikaze horrible, l’endoctrinement des plus jeunes, l’antisémitisme des foules arabes…Mais il montre aussi et surtout se qui peut motiver les américains à prendre part à la guerre contre le terrorisme. Sans fioriture, ni langue de bois, comme il le fait si bien en décrivant sa chronique sociale de l’Amérique profonde à travers ses personnages dans la série Friday night lights par ailleurs.
Conclusion :
Film radicalement antirépublicain, « Le Royaume » dénonce une Amérique devenue dépressive, déprimée dont l’échec à cerner l’autre l’entraîne sur une voie plus sombre. Démontrant à quel point chacun est convaincu que l’autre ne rêve que de le détruire, Berg livre une œuvre dans laquelle l’humanité qui se dégage transcende le simple « film de divertissement ».
Peut-être que le sujet était encore un peu trop « frais » pour que le réalisateur s’y attaque de manière frontale. Pourtant la qualité première de l’œuvre est justement de ne jamais prendre partie laissant bien au contraire au spectateur la possibilité de se forger sa propre opinion sur le sujet. Avec une conclusion qui nous met littéralement KO ne laissant imaginer aucune porte de sortie possible si ce n’est la paix, Peter Berg nous questionnes habillement sur cette volonté mutuelle de se détruire, chacun étant persuadé de le faire pour servir une noble cause.
Et c’est au travers de cette fameuse phrase finale choc « On va tous les tués » que Peter Berg remet en question non seulement la notion de bon et de mauvais dans les actes que nous choisissons d’entreprendre (ici la quête de vengeance) mais aussi toute son histoire et son œuvre. Un vrai tour de force qui transforme littéralement le métrage et remet le tout en perspective créant au sein du récit un niveau supplémentaire de lecture.
Pour finir, « Le Royaume » est une œuvre qui mérite d’être vu et revu. Peter Berg réalise un film brut posant de réelles interrogations sur notre nature autodestructrice à travers un fait d’actualité encore chaud. Pessimiste oui, « Le Royaume » l’ai assurément, montrant seulement des hommes agissants comme des hommes mais n’es-ce pas au final une triste réalité ?
Par Vincent N.Van du groupe Madealone