«Les quatre cents coups» est le premier volet des «Aventures d'Antoine Doinel», magnifiquement incarné par Jean Pierre Léaud, dont c'est ici la naissance au cinéma. Doinel, à l'orée de l'adolescence se trouve confronté à la dureté du monde mais en pressent aussi les beautés. Il est malheureux à l'école, mal aimé au foyer, mais a un grand ami, découvre Balzac et le cinéma. Il en viendra à fuir de chez lui et à accomplir quelques larcins, qui lui feront connaître la souricière, puis la maison de redressement; mais c'est toujours les yeux grands ouverts que pleure Doinel. Dans la magnifique séquence où on le voit transporté en fourgon de police, les mains aux barreaux il observe Paris et ses lumières, le Ritz, la fête foraine, Pigalle. Aussi, dans les moments les plus durs et injustes de sa jeunesse, Doinel reste-t-il plein de force, curieux du monde, en attente des possibilités à venir, symbolisées par cet océan devant lequel le film s'achève en toute beauté. Truffaut utilise largement les extérieurs pour que s'y jouent les mouvements de l'enfance: jeux, passages, fuites, errance, départs. « Les quatre cents coups » est dédié à André Bazin, mort un an plus tôt. Cela est doublement significatif: quoiqu'il n'ai pas eu le temps de la voir naître, la Nouvelle Vague doit beaucoup a l'influence intellectuelle de Bazin, fondateur des «Cahiers». En outre, il fut pour Truffaut, qui le rencontra à quinze ans, un père spirituel, et même plus. L'hommage vaut donc comme une reconnaissance de paternité, et doublement, à l'occasion de la sortie d'un film fondateur de la Nouvelle Vague, qui est en même temps le premier long-métrage de son auteur. Si l'on ajoute qu'il est largement autobiographique (la situation familiale de Doinel, le vol de la machine à écrire, la maison de redressement, sont des éléments de l'enfance même de Truffaut), on comprendra d'autant plus le sens de la dédicace au père adoptif. Enfin, on n'oubliera pas la très belle musique de Jean Constantin.