Intriguant dans son entrée en matière et dans l'instauration d'un rapport maître-valet hostile, où la condescendance de l'un s'oppose à la soumission tranquille de l'autre, "The Servant" séduit par son atmosphère malaisante, voire oppressante par instants. Mais l'arrivée de la prétendue sœur du docile Hugo va tout chambouler, au point que Tony tombe amoureux d'elle, et amorce le renversement entre les deux hommes. C'est bien là que le bât blesse, dans cette réflexion superficielle de lutte des classes à travers le prisme d'une histoire sentimentale : comment peut-on imaginer un tel changement de rapport de force seulement parce qu'une femme traîne dans la maison avec des jupes "trop courtes" ? comment, surtout, Tony peut-il imaginer qu'elle est vraiment la sœur de son valet ? Je veux bien croire que notre pauvre bourgeois soit aveuglé par l'amour mais à ce niveau de naïveté, il passe plutôt pour un authentique idiot. C'est peu dire que la situation finale, aussi spectaculaire soit-elle comparée au rapport initial, laisse perplexe tant elle aura plus été la conséquence de la faiblesse inouïe d'un homme face à un couple manipulateur que d'une véritable réflexion sur les rapports de classe et tout ce qu'ils comportent, à savoir la vanité des mœurs et autres frustrations qui ne sont ici que vaguement ébauchées. Sans enlever à Losey une direction d'acteurs impeccable et des idées de mise en scène percutantes (l'ombre de Hugo sur le mur, la scène d'amour entre Tony et Vera sur le divan), j'ai de la peine à être totalement convaincu par ce tableau de la domination humaine, présenté sous un angle facile et par conséquent simpliste. Un classique surestimé.