Une œuvre authentique jusqu’au bout de la pellicule. D’abord parce que Mel Gibson a engagé des acteurs non professionnels afin de donner plus de véracité à son film, ensuite parce que l’intégralité du long métrage est interprétée en langue Maya. Alors ne vous épuisez pas à chercher "Apocalypto" doublé en français, c’est peine perdue car il a été distribué exclusivement en version originale sous-titrée. Cela permet au spectateur de mesurer toute la sagesse contenue dans la façon de parler des indigènes, une sagesse doublée de grande communion avec la nature qui les entoure. Avant tout, les premières images sont accrocheuses, avec une immersion immédiate dans la jungle par une bande son qui met en avant la vie de la faune locale, et par un plan qui s’attarde sur l’épaisseur de la jungle pour amener un jump scare inattendu, une première scène qui fait suite à une citation de W. Durant explicitant le thème du scénario, et que je vous invite éventuellement à consulter de nouveau après visionnage pour mieux comprendre la thématique de l’œuvre. "Apocalypto" peut autant plaire que déplaire, car ce film est atypique pour les raisons évoquées plus haut (dialecte, comédiens amateurs), et aussi pour le fait qu’il puisse être considéré comme n’étant rien d’autre qu’un film d’aventures exotique dépaysant. Donc il peut s’avérer profondément ennuyeux pour les uns, et hautement divertissant pour les autres, voire même culturel, bien que ce dernier point de vue soit assez discutable. Cela dit, il peut être vu aussi comme étant l’illustration de cette citation, avec une théorie sur la chute de la civilisation Maya à la veille du débarquement des Conquistadors. Tout bien réfléchi, je crois qu’on peut voir cet "Apocalypto" de bien des façons, et c’est ce qui fait la réalisation de Mel Gibson si riche et si intéressante. Quoiqu’il en soit, outre les diverses théories issues d’éventuels débats sur la façon d’aborder (ou d’analyser) ce long métrage, on doit reconnaître que le cinéaste est un excellent réalisateur. Il nous amène tout d’abord dans la jungle pour une chasse au gibier qui rappelle un peu la scène d’ouverture de "Le dernier des Mohicans", pour ensuite s'ouvrir sur une comédie légère avec un humour propre aux indigènes parce que basé sur des croyances bien à eux aussi. En fait, nous avons presque l’impression de regarder un reportage réalisé par des journalistes en immersion totale, sans aucune intervention orale afin de laisser libre cours au naturel sans le perturber. Cela nous permet de nous rendre compte à quel point les indigènes sont heureux, sans artifice aucun, en parfaite harmonie avec la forêt qui les entoure et tout ce qu’elle prodigue. Puis cette joie de vivre se transforme en enfer, tournant au drame avant que l’histoire ne se conclue sur de l’action par le biais d’une implacable chasse à l’homme. L’évolution est intéressante car elle additionne plusieurs genres sans qu’ils ne paraissent hors de propos. Certains faits établis comme les sacrifices sont là pour rester dans l’esprit d’authenticité omniprésent, un esprit argumenté par des scènes brutales souvent considérées comme violentes.
Il y va ainsi, entre autres, du charnier rempli de corps récemment sacrifiés.
Mais la vraie violence n’est pas dans la manière dont sont montrées les choses, parfois très crue, mais bel et bien dans la sauvagerie dont est parfois capable l’être humain, qu’il soit indigène ou pas (il n’y a qu’à regarder les nombreux faits divers qui nous entourent). Pour assurer une meilleure immersion, certaines scènes ont été tournées en caméra embarquée, que ce soit sur le gibier ou sur l’homme en pleine course. En revanche, on déplorera l’utilisation un tantinet abusive de ralentis. Certes, cela permet de styliser certains moments, mais il y en a d’autres où j’aurai préféré certains passages en vitesse réelle, en particulier lors de la récupération de l’arme tout en glissade. Le traitement de cette scène-là casse le rythme alors mené à grandes enjambées, et parait surnaturel. Il n’empêche que Mel Gibson, avec le concours de Rudy Youngblood dans la peau du chétif et mystérieux Patte de Jaguar, de Gerardo Taracena en terrifiant Œil du Milieu, et de l’imposant Raoul Trujillo dans le rôle de Zéro Loups, réussit à instaurer une tension qui ne cesse de monter en intensité. Entre divers affrontements d’une force incroyable par le biais de regards lourds de sens de la part des acteurs, difficile de ne pas être pris aux tripes lors de la traque finale, car nous voulons tous que cet habile indigène qui n’a rien demandé à personne s’en sorte. La superbe musique du regretté James Horner y est bien entendu pour quelque chose, du fait que sa partition colle parfaitement au film, tant et si bien qu’à plusieurs reprises, il suffirait de fermer les yeux pour se croire vraiment téléporté dans ce lointain pays qui a abrité une des plus prestigieuses civilisations. On pourra dire ce qu’on veut d’"Apocalypto", ce film brille par sa qualité photographique, mais aussi par la formidable prestation des acteurs (comme quoi, il n’est pas forcément nécessaire de faire les grandes écoles d’art dramatique), par la force se dégageant d’une réalisation qui réunit plusieurs genres en un seul film, et enfin par la musique tant ses tons sont empreints des coutumes locales. Après visionnage, on n’imagine même pas dissocier un seul élément, tant ce long métrage a l’air d’un tout. Unique en son genre.