Remonter au point d'origine d'un film n'a pas lieu de provoquer une vraie surprise, puisqu'on en arrive toujours aux mêmes deux sources potentielles, un script ou une idée fixe. Apocalypto provient du second courant. "Un film de poursuite. À pieds", voilà sur quelle base débuta Mel Gibson. Aussi simple que ça. À partir de là, on devine ce qui a justifié un retour vers le passé, bien que le réalisateur se serve de cette toile de fond historique pour livrer une vision pessismiste sur la civilisation humanoïde et rien d'autre. Comme pour son tonitruant Braveheart, Gibson met un point d'honneur à offrir une expérience cinématographique et non un compte-rendu scrupuleux d'un temps révolu. Excusez le rappel, mais le cinéaste fait encore l'objet de critiques sur cet aspect et cela même alors qu'il a toujours insisté sur le caractère fictif de ses œuvres. Laissons les ulcérés ruminer leur aigreur, et regardons Mad Mel nous raconter son histoire (le but du cinéma, il me semble).
Une fable emplie de peur, de rage et de sang. On peut reconnaitre que ça a tout de l'obsession chez Gibson. Apocalypto ne va pas arranger sa réputation. Braveheart a largement influencé la manière de filmer les batailles au cinéma (Gladiator, Le Seigneur des Anneaux), ce nouveau long-métrage rappelle à tous que le metteur en scène n'a de leçon de formalisme à recevoir de personne. Pour s'assurer d'atteindre le niveau d'immersion optimal, il va utiliser tous les moyens à disposition. Les personnages s'expriment en dialecte maya yucatèque, énormément d'images très graphiques (rayon sévices et membres coupés, vous allez être servis), mise en scène véloce et utilisation de caméras numériques offrant une grande profondeur de champ. Une manière idéale de happer son spectateur en le ramenant vers des émotions primaires, qui vont aller crescendo. Jusqu'aux quarante dernières minutes complètement dingues, dans la droite lignée d'un Predator. Client ou pas de ce type d'approche, la séance ne va pas s'oublier facilement. Comment pourrait-il en être autrement, ce que filme Gibson, c'est rien de moins que la fin d'une civilisation.
Contrairement à certaines lectures un peu hâtives à mon goût, Apocalypto présente un constat extrêmement pessimiste sur la chute d'un empire tel un cycle voué à se reproduire éternellement. La dernière scène a tout du présage funeste,contrairement à quelques analyses voyant ce changement d'ère comme une note positive. Il est erroné de voir l'œuvre comme une charge contre le peuple Maya (à moins d'oublier son héros et sa communauté), puisque les vraies cibles sont plutôt les va-t-en guerre, réactionnaires et faux prophètes placés au sommet de la hiérarchie. L'histoire du nouveau-monde en sera hélas parsemée. Remis dans le contexte de l'époque - George W. Bush, l'exaltation du fondamentalisme, l'Irak - le conte ultra-gore prend même des accents politiques. Le plus triste étant qu'il est toujours aussi vrai aujourd'hui. Une autre (bonne) raison de donner sa chance au film, survival impitoyable au point de pêcher par excès de zèle dans sa première partie. On le pardonne car des séances aussi viscérales, on en voit pas tous les jours.