La Mongolie a acquis son indépendance en 1921, elle compte 2 751 314 habitants pour une superficie totale de 1 566 500 km2. 90 % des habitants sont bouddhistes. Le relief privilégie le désert et les steppes. En dehors de la capitale Ulaanbatar, qui héberge plus de 800 000 habitants, la population est éparse, vivant pour la plupart de l'agriculture. De très nombreux Mongols sont nomades.
En Mongolie la population nomade voyage en fonction des pâturages servant à nourrir le bétail. Chevaux, chameaux, chèvres ou moutons sont donc des animaux essentiels à la survie des nomades, pour se vêtir, se nourrir ou se chauffer. Les nomades habitent la yourte, tente montée sur une base en bois, dans laquelle on peut trouver une cheminée et un petit autel rendant hommage aux ancêtres. La réalisatrice Byambasuren Davaa connaît les coutumes des populations nomades du Nord-Ouest de la Mongolie, où elle passait ses vacances d'été, et où sa mère et sa grand-mère vivaient. Tourner son film dans cette région lui est donc très personnel, et elle a pris grand soin de refléter dans le détail la vie quotidienne des nomades, mettant donc à contribution la population de la région. "Je pense que chacun a en soi une part de créativité. En tant que réalisateur filmant des non-professionnels, c'est à moi de les convaincre de leur talent, afin qu'en échange, ils me laissent les filmer. C'est pourquoi j'ai passé de nombreuses semaines avec toute l'équipe en leur compagnie, avant de commencer à les filmer."
Parce qu'elle vit aujourd'hui en Allemagne, où elle a étudié et où le film a été produit, Byambasuren Davaa tente d'expliquer dans son film le fossé qu'il peut exister entre le mode de vie des nomades et celui des sociétés industrialisées. "La Mongolie est une terre qui change et son peuple doit changer à son tour", explique-t-elle. Le film soulève donc ces interrogations: "Pour moi, les thèmes principaux du film sont les suivants: Dans quelles croyances, selon quelles valeurs éduque-t-on les enfants aujourd'hui? La tradition et la modernisation peuvent-elles cohabiter?Que signifie la 'vie moderne' lorsque l'on vit en nomade?". Le clivage était d'autant plus fort que l'équipe technique du film était allemande, et a donc du vivre avec la population nomade pendant les huit semaines qu'a duré le tournage. La réalisatrice croit cette réconciliation possible entre les deux mondes:"Lorsque l'héroïne du film rencontre la vieille dame qui lui raconte la légende du 'Chien jaune de Mongolie', c'est le monde des traditions qui transmet son savoir au monde moderne. Je souhaite ardemment que chacun soit suffisamment tolérant et curieux pour apprendre de l'autre. C'est sans doute cela le sens du film. Parce que je suis née en Mongolie, je vois la vie au delà de ses valeurs linéaires et matérielles. Je veux croire en un monde où traditions et modernité peuvent cohabiter avec respect et ouverture d'esprit."
Le film décrit la relation entre la petite Nansa, six ans, et un chien abandonné qu'elle a recueilli. La réalisatrice cherchait une fillette qui puisse convenir au rôle parmi les populations nomades du Nord de la Mongolie. Lorsqu'elle trouva finalement la famille qu'elle avait envie de filmer et en particulier celle qui allait interpréter le rôle de Nansa, les premiers jours furent difficiles. La relation de confiance entre la réalisatrice et sa petite interprète s'est établie progressivement. Elle explique: "J'ai écrit le scénario en janvier 2004, et je suis partie en repérages dès le mois d'avril. Je cherchais une famille de nomades avec deux enfants. Au bout de trois semaines passées à rencontrer diverses familles, j'ai trouvé celle du film, que j'ai choisie car c'était des gens à la fois unis et très ouverts. Il y avait trois enfants, et j'ai eu du mal à me lier avec l'aînée, Nansa, mon héroïne. Elle était timide, sauvage même. C'est l'amour des animaux qui nous a rapprochées".
La réalisatrice Byambasuren Davaa est née en 1971 à Unlaanbatar. Elle étudie le droit international et le cinéma en Mongolie, tout en travaillant comme assistante de réalisation à la télévision nationale. Ellle part en 1999 étudier le cinéma documentaire à l'école de Munich, et y réalise son film de fin d'études, L'Histoire du chameau qui pleure, qui sera primé dans de nombreux festivals à travers le monde. Elle tourne donc ici son second long-métrage, et choisit de parler une nouvelle fois de la relation entre l'homme et l'animal.
Comme son précédent film, ce long-métrage est une nouvelle incursion de Byambasuren Davaa dans un genre assurément naturaliste mais inclassable, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. Le travail avec les animaux et les acteurs non-professionnels reste en tout cas une constante de son travail au vu de ces deux oeuvres. La réalisatrice en est consicente: "Je pense avoir davantage 'fictionnalisé' ce film que le précédent. Mais je n'appartiens à aucune catégorie précise. Je me situe entre le documentaire et la fiction. J'essaye de m'adresser autant au coeur et à la perception, qu'au cerveau."
Dans le conte comme dans le film, le père est réticent à l'idée d'adopter le chien abandonné. Cette question est très actuelle en Mongolie. Avec l'exode rurale beaucoup d'animaux de compagnie sont abandonnés par leurs propriétaires lorsqu'ils vont à la ville. La réalisatrice remarque: "De nombreuses familles nomades abandonnent leur chien, lorsqu'elles partent s'installer en ville. Les chiens pactisent alors avec les loups, et ensemble ils attaquent les nomades encore présents. En tuant leur troupeau, ils mettent en péril leur survie".
Le lien entre l'homme et le chien dépasse le simple cadre du film. En effet, en Mongolie la tradition ancestrale assimile cette relation au cycle de la réincarnation. La réalisatrice s'explique: "En Mongolie, nous croyons au cycle éternel de la réincarnation. L'âme passe d'un corps à un autre, d'une plante à un animal, puis du chien à l'homme. A l'époque contemporaine, ces croyances se perdent, ce qui affecte la relation qu'entretient l'homme avec l'animal". Car avec la société moderne ces croyances tendent à disparaître. "C'est un film sur l'urbanisation de la société, les bouleversements que cela entraîne dans ce pays, les changements de vie que les nomades sont forcés de faire".
Le film est inspiré d'un conte traditionnel mongol, La Cave du chien jaune, dans lequel un chien jaune permet la guérison d'une jeune fille malade qu'aucun médecin ne parvenait à soigner. La réalisatrice précise que cette petite histoire fut à l'origine de son projet de long-métrage."C'est en septembre 2003, lors de la première projection de mon film L'Histoire du chameau qui pleureà Ulaanbatar, que quelqu'un m'a rappelé ce conte de Gantuya Lhagva que j'avais oublié, et dont la force poétique et émotionnelle m'est soudain apparue. J'ai aussitôt décidé d'en faire la base de mon prochain film".