Newman a dit que Du haut de la terrasse (Robson 60) était pour lui un film alimentaire. De nombreux critiques nouvelle vague en ont fait le navet emblématique des années 60.
Pourtant Joanne Woodward joue merveilleusement à contre-emploi une femme riche, fatale méchante, trompeuse, hypocrite et pourtant semble-t-il très amoureuse et très délirante.
Pourtant la jeunne Balin (23 ans) avec son physique de star brune fatale, elle joue inversement une Nathalie simple et authentique jeune fille qui s’amourache de David-Alfred.
Pourtant Paul Newman incarne comme toujours parfaitement et sobrement un jeune lieutenant de retour de la guerre (Alfred/David) pris entre le désir de gagner plus d’argent qu’un père qui l’a renié et l’amour sensuel de son épouse puis d’une plus jeune fille.
Pourtant la musique parfaite d’Elmer Bernstein, souvent très rachmaninovienne, teinte les scènes sentimentales d’une couleur mélo classique des années 50, celles de Sirk, Minnelli, Kazan, Naruse etc.
Pourtant Robson et surtout le grand chefop Leo Trover utilisent brillamment le cinémascope, en référence évidente à Russel Metty, photographe célèbre de Magnificent Obsession (Sirk 54).
Pourtant c’est l’immense scénariste Ernest Lehman, surtout connu en France pour La Mort aux trousses (Hitchcock 49), qui a repris un best-seller romantique de John O’Hara qui n’a pas que des défauts : même si dans le roman les traits généraux sont appuyés (le père qu’il faut dépasser, la mère détruite, l’enfant manquant, l’obsession de l’argent, l’hypocrisie des riches, le (beau) frère qui trahit, le héros fragile, la lumière de l’amour vrai etc), le scénario lui est beaucoup plus subtil malgré l’éloquence théâtrale parfois bavarde des dialogues. Le personnage principal semble manquer de volonté pour sa vie personnelle mais on se demande s’il est vraiment amoureux. Son épouse (Woodward) est méchante et retorse mais on sait aussi qu’elle aime pathétiquement. Enfin, contrairement au roman où l’écriture sentimentale est un peu sirupeuse, la grande scène de la première rencontre – première séparation de Newman et Ina Balin utilise le vocabulaire de la forêt du petite ville en automne comme dans l’immorte Tout ce que le ciel permet (Sirk 55). Et cette scène seule de 10 minute (à 1h30 d’un film de 2h20) rassemble toute les qualités du film : rhétorique des dialogues, sincérité du jeu des acteurs, beauté de l’image et de la musique, intensité des sentiments etc.
Ce film est trop long, trop appuyé, sans ellipses, sans légèreté : ce n’est pas un grand film pourtant il vaut le détour, ne serait-ce que pour définir exactement ce qui peut être grand dans le mélo.