Une comédie française réussie, voici qui est à signaler car cela n'est pas si courant. Par réussie, j'entends qui soit autre chose qu'une accumulation de gags plus où moins drôles paresseusement étirée pour etayer une idée comique de départ. En fait, le film raconte une histoire qui n'est pas si drôle que ça, mais le fait d'une manière comique, jouant sur la capacité qu'à Benoit Poelvoorde d'être à la fois un marant tout en pouvant subitement devenir plus sérieux, sinon inquiétant. Son personnage est un type malchanceux, pessimiste et stressé qui, au début du film, apparaît comme le parfait looser. Puis subitement, comme par l'intervention d'une bonne étoile, tout lui réussit, tout le monde lui sourit, à tel point que, perturbé par ce changement d'identité, il essaye de retrouver sa vie antérieure, quitte à aller contre son propre intérêt. Philippe Le Gay, pour narrer cette étrange fable, car c'en est une, n'hésite pas à faire appel à la comédie musicale au cours d'une scène délectable. Tous les personnages, dans ce drôle de microcosme qu'est l'entreprise, sont attachants et réussis, du portier qui est obsédé par les ancêtres de toutes les personnes qui passent, au patron qui passe du terrifiant au pathétique, et à la trop gentille collègue interprétée par Anne Le Ny. Tous intègrent avec délectation l'univers décalé de ce personnage singulier. Que l'on prenne le film au premier degré (c'est un homme qui ne supporte pas d'avoir tout à coup de la chance et en devient dingue) ou au second degré (c'est une fable semi-fantastique sur les passages de fluides qui font que le bonheur passe de l'un à lautre de façon aléatoire, et cet homme devient fou parce qu'il essaye de trouver une explication), c'est une brillante réussite.