Plutôt bon film de Pascale Ferran, qui adapte le livre de Lawrence du début XXème. Pas mal de points positifs d'abord, c'est vrai : le film prend d'abord le temps de conter son histoire, histoire d'une châtelaine mariée à un riche patron minier du début du siècle en Angleterre, mais estropié par la guerre juste après leur mariage - doit-on supposer -, ce qui implique l'absence totale de rapports sexuels à l'intérieur du couple (l'état initial du film, sur lequel il va progressivement se constituer, est presque un état zéro, un état-néant de connaissances et de pratiques physiques du protagoniste principal, Lady Chatterley, donc, très bien interprétée par Marina Hands, qui joue à merveille le rôle de la pudique innocente gênée). Evidemment, le film consiste en une découverte, une exploration (puisqu'on part de zéro), à travers la relation de plus en plus intense avec le garde-chasse, interprété par un inconnu total (bien plus qu'un total inconnu, oui...), Jean-Louis Coulloc'h. Je reviens un peu sur ce que je voulais dire : le film prend le temps, donc, d'exposer le cadre lent de ce film, où les péripéties sont difficiles à venir, où l'action proprement dite se fait dans la retenue, où les plans que le spectateur retient sont en majeure partie des plans quasi immobiles (cadrages sur les visages principalement), sur les pans entiers de nature que l'héroïne traverse pour passer du mari au garde-chasse (dans une sorte de cabane au fond du jarding). Donc film réussi en cela, qui restitue bien la beauté des paysages forestiers, et l'écoulement du temps sans à-coups ni turbulences : l'image d'une régularité, d'une mécanicité (mais pas la machine moderne, tyrannique et violente : plutôt l'image tranquille d'une roue, d'un sablier genre éternel...). Bon je n'insiste pas : place prédominante de la nature, comme une sorte d'arrière-plan infranchissable et presque fatal pour l'action et la liberté des personnages. Il y a aussi le thème d'une innocence (inconnaissance) quasi biblique (la photo avec les personnages courant nus sous la pluie en serait un exemple) de la Lady. Autres points positifs (en ce qu'ils sont cohérents pour le film, pas en-soi...), que je reprends des mots de la réalisatrice (assez sensés) : le film essaie de retracer et de bousculer une double domination croisée : Lady (dominante socialement mais dominée sexuellement, à l'époque comme genre je veux dire, bon comme femme en somme), et le garde-chasse (dominé socialement mais dominant parce qu'homme). La destitution de ce double assujettissement croisé insiste vraiment sur l'aspect expérimental du film : ce que la réalisatrice dit qu'elle a voulu montrer à partir du livre, et sur ce point je pense qu'elle le fait bien, c'est montrer cette relation complexe (encouragée à l'origine par le mari pour le bonheur de sa femme, puis refusé implicitement ensuite pour le rang social du garde-chasse, donc relation, si l'on voulait, incitée/refusée) comme une expérience (toujours au sens de découverte, d'exploration) corporelle (connaissance de l'amour, du plaisir, du désir aussi) mais aussi spirituelle (le langage joue un rôle absolument important, il s'ouvre progressivement entre les deux amoureux, du silence gêné à l'aveu profus de la fin). Versus le puritanisme, évidemment. Bon, finalement, ça fait pas mal de points positifs...
Pour les points négatifs : évidemment la longueur qui en un sens est la réussite du film, peut rebuter beaucoup de spectateurs, et je n'en étais pas loin ; ça bouge quand même pas des masses. Pas assez de musique. Le garde-chasse ne fait absolument pas fantasmer, et c'est tout de même important (oui je sais, la réalisatrice voulait surtout montrer le côté terrien et un peu brute du personnage... mais quand même, ça n'autorise pas tout).
Bon en gros ça se laisse regarder, mais pas par les amateurs de Saw... Oui, ça peut paraître injuste vu la longueur respective des deux paragraphes, mais tant pis : 13/20.
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