C'est le genre de films qui peut agacer une grande partie du public. C'est lent, l'histoire n'avance pas, le langage est soutenu et peut sembler guindé, "bobo". Mais force est de constater qu'il y a, effectivement, bien plus à en tirer. Et ce qui me révolte, c'est qu'effectivement ce sont seulement les bobos qui vont apprécier. Ou prétendre apprécier. Mais je suis certain que tout un chacun peut apprendre à apprécier ce genre de spectacles. Vous reprochez aux élites leur prétention à avoir des goûts plus fins et leur rejet de la culture populaire? Alors ne faites pas pareil: ouvrez-vous bon sang, laissez parler votre curiosité, et explorez le cinéma d'auteur. Donnez-vous au moins la chance d'apprécier ce que vous ne connaissez pas. Laissez de côté vos préjugés. Il est possible que vous n'aimiez pas, tout comme bien des bobos mais qui ne se l'avouent pas parce que, effectivement, et ça je ne peux pas le nier, ça fait bien d'aimer ce genre de films.
Premièrement, oui le langage est soutenu, mais il ne faut pas oublier que c'est une adaptation d'un roman, dont l'histoire se déroule au XIXème siècle et dont les personnages sont des nobles de la plus pure espèce. C'est une question de cohérence et de vraisemblance. Pas du tout d'élitisme ou de prétention.
Certains déplorent le manque de rythme. Allez lire le livre, et dites-moi s'il y a plus d'action ou de rythme que dans le film. C'est une histoire d'amour, les gars, n'espérez pas des rebondissements à chaque quart d'heure, ni de péripéties en veux-tu en voilà. Et dire qu'il y a des lenteurs est faux. Car si on s'inscrit dans l'esprit du film, si on cerne tranquillement les questions abordées et le propos du réalisateur et de l'interprétation qui en découle, on trouve en fait un intérêt à chacune des scènes. Alors oui, après, tout ne nous est pas servi sur un plateau. Quel est son propos? Il y en a plusieurs. Déjà, c'est une histoire de domination. Il est clair qu'à cette époque, le noble domine l'ouvrier. Ici, le garde-chasse n'imagine même pas que cet amour soit réciproque, au départ. La seule explication plausible, c'est que la Lady l'utilise pour assouvir des besoins qu'elle son mari ne peut plus assouvir. Et la Lady, elle, de même. Elle a toujours été habituée à servir les besoins sexuels de son homme. Elle se satisfait de procurer du plaisir au garde-chasse. Chacun pense être soumis, et s'en satisfait. Puis, les jours passent, le désir grandit, l'affection avec, l'amour bientôt; tous ces sentiments finissent par renverser ces carcans sociaux. Et il est passionnant de voir comment le réalisateur, à travers les prétendues lenteurs, filme cette évolution. Et comment les acteurs l'interprètent. Autre propos, comme bien des romans du XIX, mettre en lumière les tiraillements de la noblesse à se diluer dans la classe bourgeoise grandissante. J'aime un bourgeois, dois-je pour autant sacrifier de mon sang et de ma lignée? Mes sentiments l'emportent-ils sur mon honneur? Est-ce égoïste que d'aimer? Ces questions sont malgré tout d'actualité, même si les références ne sont plus les mêmes. On ne parle plus en termes de classes sociales (encore que..) mais plutôt en termes de revenus. Enfin, la place de la nature. Qu'est-ce qui leur permet d'exprimer librement leur amour? En serait-il de même s'ils n'avaient pas cet havre de tranquillité au milieu du domaine de la Lady? La nature est le seul théâtre possible de leurs sentiments, en dehors, ils se heurtent encore à l'impossibilité sociale.
Certaines scènes sont tout simplement magnifiques. Pour en citer une, celle où Lady Chatterley s'apprête à quitter le domaine avec sa soeur, et où elle ressent l'irresésitible envie d'étreindre une dernière fois son garde-chasse; et comment faire passer cette émotion? Couper tous les sons, sauf celui des oiseaux, de la nature, la nature qu'elle a découvert avec cet amour bestial, cet amour torride et sauvage à contre-courant de sa vie plate et anesthésiée. A ce moment, elle est sourde à toute autre raison que celle oiseaux. Ces oiseaux qu'elle n'entend jamais mieux qu'entre les bras de son amoureux.
Ce film est une magnifique histoire d'amour, l'amour en tant que renaissance, en tant que naissance tout simplement, en tant que reconnaissance aussi. En quoi diffère-t-elle de toutes celles qu'on voit partout dans le cinéma? Elle est un retour aux essences de l'amour: le désir, l'affection qui en découle, l'obsession. La transcendance. Lady Chatterley c'est un film transcendant pour une histoire de transcendance