''Darkman'' est un film réalisé par Sam Raimi, sorti en 1990. Ce fut un succès public (49 millions de $ pour un buget de 16 millions de $), ce qui engendra deux suites directement sorties en DVD (mauvais signe). Ne parvenant pas à obtenir les droits de Batman ou de The Shadow, Raimi décide de créer son propre personnage de comics : Peyton Westlake, alias Darkman.
Peyton Westlake (Liam Neeson) est un généticien qui travaille sur la création de peaux synthétiques plus vrais que nature. Fiancé à Julie Hastings (Frances McDormand), une avocate qui dispose d'un document compromettant Louis Strack, Peyton est un jour agressé par Roger G. Durant, un tueur envoyé par Strack afin de récupérer le document. Atrocement défiguré lors de l'explosion de son laboratoire, Peyton entreprend d'assouvir sa vengeance à l'aide de ses peaux synthétiques. Il peut ainsi prendre l'apparence de n'importe qui, mais ses peaux très sensibles à la lumière fondent au bout d'une centaine de minutes !
On catalogue souvent ''Darkman'' film de super-héros. Il est vrai que ''Darkman'' en adopte parfois l'esthétisme (même façon d'iconiser à un haut degré le personnage principal). De plus, ''Darkman'' sort au cinéma alors que le genre est en plein essor : le ''Batman'' de Tim Burton est sorti en 1989 et a connu un immense succès. Et c'est lui-même qui tirera le coup d'envoi de la domination des films de super-héros avec sa trilogie ''Spider-Man''. Pourtant, c'est un aller un peu vite que cataloguer ''Darkman'' film de super-héros. La raison ? C'est simple, au contraire de Batman, Superman (et autres), Darkman ne cherche en rien à défendre la veuve et l'orphelin. Son seul but est de mener à bien sa vengeance, en sachant pertinemment qu'il ne pourra jamais revivre la vie qu'il connaissait avant. Ce personnage est sans conteste La grosse qualité du film. Il rejoint la galerie de ''mutants'' qui habite la filmographie de Sam Raimi. Que ce soit les morts-vivants de la trilogie ''Evil Dead'' ou les super-héros/ vilains de la trilogie ''Spiderman'', le cinéma de Raimi semble peuplé d'êtres physiquement ou psychologiquement différents, parfois monstrueux. On remarque à quel point un crescendo s'opère dans la part d'humanité entre les trois figures centrales de ''Evil Dead'', ''Darkman'' et ''Spider-Man''. Entre les esprits purement maléfiques de ''Evil Dead'' (dont Dakman, sans ses peaux synthétiques, ressemble physiquement) et Peter Parker/Spider-Man, tourmenté mais héroïque, Peyton Westlake se situe dans un entre-deux. Silhouette sombre constamment prête à basculer dans la folie la plus totale, Darkman est un être complètement déchiré. Raimi confère au protagoniste une véritable dualité : tantôt être humain qui tente de renouer une relation avec Julie, tantôt monstre qui n'hésite pas une seule seconde à tuer ses ennemis. C'est justement ce dernier point qui fait sortir ''Darkman'' des films de super-héros. Les super-héros ne sont pas seulement des êtres aux super-pouvoirs, mais aussi des êtres aux ''super-valeurs''. Ainsi, Spider-Man ou Batman (pour prendre l'un des plus sombres) répugnent toujours à achever les super-vilains. Ce n'est nullement le cas ici, où le protagoniste central est extrêmement violent.
Au point que le film se termine sur une note plutôt pessimiste : Peyton tue le méchant, lequel l'avait averti qu'il ne vaudrait pas mieux que lui s'il le tuait.
C'est pourquoi la phrase présente sur l'affiche est absurde : ''Aujourd'hui le crime a un nouvel ennemi et la justice a un nouveau visage''. D'une part, Peyton s'attaque uniquement aux hommes qui lui ont fait du tort, par vengeance, d'autre part il fait justice lui-même et ne sert pas une Justice avec un grand J. L'intérêt du film est là : malgré sa volonté de s'affirmer en tant qu'être humain, c'est finalement son instinct vengeur et monstrueux qui finit par prendre le dessus.
D'où la scène finale où Peyton quitte Julie (et donc la seule qui pouvait encore l'accepter en tant qu'homme) pour se mêler à la foule, sous une de ses peaux. Peaux qui ne servent désormais qu'à masquer l'absence d'identité du protagoniste, lequel abandonne son identité pour le surnom de Darkman. Et pour devenir un rejeté ne pouvant que se fondre dans la foule pour une durée limitée.
On est en fait davantage dans une bonne série b qu'autre chose. Et qui dit série b dit action. Et sur ce plan-là, le film se plante complètement. La faute d'abord aux effets spéciaux qui ont terriblement mal vieilli (en même temps, on ne peut pas s'attendre à de la folie furieuse avec 16 millions de $). De même, les scènes qui s'opposent aux séquences d'action, c'est-à-dire les scènes entre Peyton et Julie sont parfois insupportables de cucuteries (on peut ne pas aimer Frances McDormand, qui en fait toujours des tonnes). De toute façon, c'est très simple, excepté Darkman, les autres personnages ne sont pas du tout mémorables. Et les méchants n'échappent malheureusement pas à cette règle. Dans ce film d'une très grande noirceur, on pouvait s'attendre à des méchants tout aussi sombres. Or, si Durant est un dangereux psychopathe, Raimi donne au personnage (et à ses sbires) un côté comique. Un comique qui désamorce toute crédibilité : comment prendre au sérieux un méchant dont un des sbires utilise une jambe mitrailleuse ? A ce titre, Sam Raimi corrigera le tir avec son ''Spider-Man'' : chaque scène où le Bouffon vert apparaîtra sera un moment vraiment flippant.
Grâce à son personnage principal (et aux stupéfiants maquillages) ''Darkman'' parvient à se hisser au-dessus d'une simple série b. Pourtant, on ne peut s'empêcher de songer au film énorme qu'aurait pu être ''Darkman'', si le scénario était allé plus loin et si les effets spéciaux avaient été plus perfectionnés. Toutefois, ''Darkman'' de Sam Raimi possède un petit charme rétro bien à lui.