Dans un village en flammes et jonché de cadavres, un vieil homme hagard s'adresse à Solomon, et lui dit que le jour où les Blancs trouveront du pétrole au Sierra Leone, alors les vrais ennuis commenceront... Là, le conflit sanglant qui oppose les forces gouvernementales aux rebelles du RUF n'a pour enjeu "que" le contrôle des mines de diamants. En même temps qu'une conférence décide de l'interdiction du commerce des pierres précieuses provenant des zones de guerre, les diamantaires anglais, belges et sudafricains organisent un trafic via le Liberia pour brouiller la traçabilité et redonner un virginité aux diamants de sang.
Après "Lord of War" et "The constant Gardener", voici un nouveau film hollywoodien qui s'intéresse aux guerres civiles africaines et à la responsabilité des Occidentaux, que ce soit le cynisme des marchands d'armes, des trusts pharmaceutiques et des diamantaires, ou l'hypocrisie des gouvernements et des instances internationales.
Film grand public (meilleure fréquentation mercredi sur Paris), "Blood Diamond" réussit la plupart du temps à éviter le moralisme et le manichéisme qui est souvent la marque du cinéma américain, pour inscrire une histoire palpitante dans un contexte géopolitique inconnu des spectateurs occidentaux.
Il illustre notamment le drame des enfants soldats : le fils de Solomon, Dia (la moitié d'un diamant ?) est enrôlé de force dans le RUF, et la séquence consacrée à son lavage de cerveau fait froid dans le dos par son réalisme. Drogués, endoctrinés, flattés dans leurs plus bas instincts, ces gamins tiennent les AK 47 comme des doudous tout en regardant des clips avec des rappeurs couverts de brillants.
Edward Zwick a déclaré : "S'il me fallait résumer d'une phrase le film, je le ferais sous forme de question : "Qu'est-ce qui compte le plus dans une vie ?" Pour l'ancien mercenaire Danny Archer, c'est une pierre précieuse ; pour le pêcheur Solomon Vandy, c'est rejoindre son fils ; pour la journaliste Maddy Bowen, c'est faire aboutir son enquête". Cette opposition entre les motivations des trois personnages principaux est le moteur dramatique du film. Si les personnages de Solomon, et surtout de Maddy, sont assez classiques (sans pour autant être stéréotypés), celui de Danny est beaucoup plus atypique.
Né au Zimbabwe (lui préfère employer l'ancienne dénomination coloniale de Rhodésie), Danny Archer s'est aguerri comme mercenaire en Angola dans le Bataillon 32, milice sudafricaine engagée contre le MPLA. Blanc mais Africain, il partage avec les Noirs l'amour de cette terre et une débrouillardise rendue nécessaire par les événements, mais il peut aussi traiter Solomon de cafre, insulte raciste du temps de l'apartheid.
Leonardo DiCaprio met tout son immense talent au service de l'ambiguité de son personnage : parlant l'anglais avec un accent afrikaner à couper au couteau, il parvient à rendre ce mélange de charme et de brutalité totalement crédible ; et l'évolution de la relation entre les deux hommes que tout oppose est dépeinte avec beaucoup de subtilité.
Il y a bien quelques longueurs et la séquence de fin reprend une figure imposée du mélo yankee (ou comment perdre 0,5 points dans les cinq dernières minutes) ; mais "Blood Diamond", divertissement intelligent et émouvant, permet de découvrir une des facettes de la tragédie africaine, tout en appréciant la performance de deux acteurs nominés aux Oscars.
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