''La colline a des yeux'' est issue d'un projet entrepris pas Hollywood dans les années 2000 : réaliser une série de remake de films d'horreur culte. Les amateurs ont donc eu droit, entre autres à un nouveau ''Massacre à la tronçonneuse'' (Marcus Nispel, 2003) et un nouvel ''Halloween'' (Rob Zombie, 2007), remake des chefs-d'oeuvre de Tobe Hooper (1974) et de John Carpenter (1978). Sort identique pour ''La colline a des yeux'' de Wes Craven, réalisé en 1977). Pour cette nouvelle version, Craven est producteur et c'est le Français Alexandre Aja qui est à la réalisation (son film ''Haute Tension'' fut remarqué par les Américains, c'est pourquoi ils le firent venir aux Etats-Unis). Et le tandem s'en sort avec les lauriers, puisque la version 2006 peut, aujourd'hui, être considérée comme supérieur à l'original. Preuvre, au passage, qu'un remake peut, parfois, être supérieur à l'original.
Donc nous revoilà avec les Carter, famille américaine qui, à bord de leur camping-car sillonnent les routes pour fêter l'anniversaire de marige des parents. Enfin, sillonner les routes, c'est vite dit, vu que les pneus de leur voiture crèvent en plein milieu du Nouveau Mexique, où des essais nucléaires furent testés. Les Carter se retrouvent alors traqués par une famille de dégénérés atrocement défigurés.
On prend les mêmes et on recommence ? Tout-à-fait, il y a de nombreuses similitudes entre le film de Wes Craven et celui d'Alexandre Aja, en particulier les personnages. Entre les Carter du 1er film et ceux du 2ème film, c'est kif-kif bourricot. A ce titre, force est de reconnaître que la première heure est plutôt semblable d'un film à l'autre. C'est plutôt dans l'atmosphère que le film d'Aja se démarque astucieusement. Craven, comme souvent, jouait à fond sur la carte du bouffon et (un peu) du comique. Ici, les Carter d'Aja n'ont pas atteri dans un quelconque désert, mais dans un désert où les Américains ont procédé à de nombreux essais nucléaires. La famille anthropophage est issue de ces essais nucléaires : anciens mineurs qui ont refusé de quitter leurs terres, ils se sont réfugiés dans les mines. C'est cela que le réalisateur français réussit totalement : brosser le portrait affligeant de ces mineurs. Chez Craven, les antagonistes n'étaient qu'une famille de fous furieux dont on ignorait l'origine. Dans la version 2006, la frayeur du nucléaire est omniprésente. La peur ne naît pas des actes (atroces) des cannibales, mais de ce qu'ils sont, de ce qui a procuré leur état. Le générique d'ouverture, l'un des meilleurs du genre (et des plus insoutenables) débute sur une petite bonne femme qui s'apprête, à l'aide d'un briquet, à allumer les bougies d'un gâteau. La femme actionne son briquet : nouveau plan sur un champignon atomique. Suivra (et c'est digne de la fin du ''Docteur Folamour'' de Kubrick) des plans d'explosions atomiques sur une musique enchanteresse. Mais Aja va, dans ce prologue, plus loin dans l'horreur puisqu'il intercale des plans très courts d'enfants horriblement défigurés par le nucléaire. Tout est là : l'opposition aux premiers abords entre l'Amérique dans ce qu'elle a de plus mignonne (la ménagère, son gâteau et les Carter) et ce qu'elle a de plus épouvantable (l'arme atomique et la famille de psychopathes). Curieusement, la suite du film va nous prouver que la frontière entre ces deux facettes (qui sont aussi les deux facettes de l'homme) peuvent être ténus et que c'est malheureusement la monstruosité qui l'emporte. Comme dans ''Délivrance'' (John Boorman, 1972), l'homme face à la sauvagerie la plus extrême et pour se protéger (et protéger les siens) accède lui-même à cette sauvagerie. A une forme de délivrance comme l'indiquait le titre judicieusement trouvé du film de Boorman. La dernière demi-heure diverge beaucoup du film de Craven et c'est cela qui permet au film du Français d'être un exemple de remake.
Ce pessimisme effrayant éclate donc vers la fin du film. Dans une hallucinante séquence, on découvre avec effroi l'habitat de ces monstres : ce n'est plus une caverne (comme dans l'oeuvre de 1977) mais un village irradié. Tout à coup, nous ne sommes plus dans un simple film d'épouvante et, tout à coup, le film prend une dimension gigantesque. Enfants défigurés, papys exsangues..., au-delà de la sensation de putréfaction et de moiteur, on prend soudainement conscience de l'ampleur de la catastrophe et de l'horreur qui s'en dégage. Et c'est toute une certaine Amérique qui est incriminée. Par ailleurs, Aja modifie un détail : le destin de Ruby, la fille des anthropophages. Dans le film de Craven, elle se ralliait aux Carter et s'échappait avec eux à la fin du film. C'était ainsi une forme d'espérance puisqu'une forme de cohabitation entre ces deux familles se créait. Aja et son fidèle collaborateur Grégory Levasseur conservent le personnage de Ruby mais lui réserve un sort macabre : elle se sacrifiera pour sauver le bébé des Carter. Ainsi, on voit ici une impossibilité pour cette fille irradiée à rejoindre la civilisation. Son destin est hélas lié à jamais à ce village irradié, à cette mine etc. Ce changement renforce la vision très noire de son réalisateur.
En introduisant le terme du nucléaire et en développant l'habitat des cannibales, Alexandre Aja signe un très bon remake, dépassant (aisément) l'original de Craven. Il faut néanmoins ne pas avoir les yeux frileux pour regarder les atrocités commises dans ce film.