Alexandre Aja offre plus qu'un simple dépoussiérage au film culte de Wes Craven, il lui retape carrément le portrait au burin et au maillet. Le résultat : un film plus démonstratif (plus sanglant et en plan frontal, alors que l'ancien était davantage dans la suggestion), forcément mieux truqué (le budget est passé de 230 000 à 15 000 000 de dollars... Pas tout à fait la même fourchette), avec une histoire assez similaire, étant un remake assumé. On peut le dire, on préfère l'ancien, malgré tous ses défauts de trucages en gros plastoc, ses méchants plus risibles qu'effrayants (caricaturaux et cartoonesques), et peu de gore visible. Mais là suggestion l'emportait, le mélange du rire et du frisson (le propre de Craven) fonctionnait bien, et la kitscherie des prothèses lui donnait un petit charme, une petite patine de série B horrifique assez sympa. Le remake d'Aja n'a aucunement à rougir, attention, il est même vraiment solide et intelligent, il ne cible simplement pas le même spectateur, avec pour intérêt de ne pas refaire bêtement la même chose qu'avant (la norme actuelle des remakes sans âme...). On lui accorde un franc respect, sur ce point, en voulant retravailler le concept de base en plus sérieux : adieu consanguinité maligne qui donne naissance à des monstres cannibales et difformes (ah, finesse de Craven, tu nous manques...), et bonjour à des essais nucléaires qui ont attaqué le ciboulot (et le faciès) des habitants du désert. Adieu ridicule des méchants, et bonjour sadisme flegmatique. Aja sait prendre une œuvre sérieuse pour la rendre débile (Piranhas 3D), mais prouve qu'il maîtrise aussi l'inverse. On est juste moins pris dans le repas de famille, on ronge son os assez longuement avant que le festival du sang ne démarre, puis on tombe sur deux steaks moins consistants que prévu :
la gamine cannibale qui s'entiche d'une victime et trahit sa famille pour sauver le bébé (la niaiserie ne va pas au teint de ce film), et ledit bébé dont on nous fait miroiter qu'il va être un peu abîmé par les méchants (un sujet sensible qui fédère les spectateurs de films d'épouvante : "oh non, pas le bébé !")
mais à qui il n'arrive finalement absolument rien (promesse non tenue). C'aurait pourtant pu être le climax malsain du film (conseil au scénario d'épouvante qui veut choquer : "On laisse pas bébé dans un coin."). Ce remake vaut surtout pour sa volonté honnête de retravailler l'œuvre originale, pour son gore visible, et son rythme (en seconde partie du film) qui est bien soutenu. La Colline nous fait moins de l'oeil qu'avant, mais elle a des tripes.