À nos amours, César du meilleur film en 1984 est une œuvre attachante sur les affres de l'adolescence doublée d'une réflexion fascinante sur la famille et plus prosaïquement, sur la vie. Maurice Pialat ouvre la voie à la modernité avec ce film influençant des cinéastes qui se pencheront sur le thème de l'adolescence comme Xavier Beauvois (N'oublie pas que tu vas mourir) ou Abdellatif Kechiche (L'esquive)
Suzanne (Sandrine Bonnaire), 15 ans, ne cesse de rejeter Luc, qui est amoureux d'elle et multiplie les relations amoureuses. Incapable d'aimer, la jeune Suzanne doit faire face à la séparation de ses parents, non sans heurts.
Le plus frappant dans A nos amours reste la spontanéité des acteurs. Maurice Pialat, entre écriture et improvisation a réussi à insuffler le réel et la vérité dans son film à travers des acteurs formidables, Sandrine Bonnaire en tête, repartie en 1984 avec le César du meilleur espoir féminin pour ce rôle. La complicité avec Pialat, qui joue le père de Suzanne dans le film, est évidente. Comme des moments de douceur entre tension et douleur, les scènes entre le père et sa fille sont duveteuses et tendres ; Pialat, barbu, façon grand ours brun, représente une figure patriarcale qui donne un équilibre à la psyché torturée de Suzanne. Ça n'est pas anodin si celle-ci sera complètement perdue lorsque son père se séparera de sa mère et quittera la maison. En ce sens, les improvisations entre les deux acteurs sont criantes de réalisme et de tendresse et rompent complètement avec les scènes entre Suzanne et sa mère ou son frère, sans cesse conflictuelles, toujours dans les cris, les coups et l'incompréhension. La vérité gicle sporadiquement et efficacement surprenant le spectateur jusqu'à la scène finale, stupéfiante.
A nos amours magnifie son actrice principale de façon formidable. Sandrine Bonnaire, sensuelle, fragile et forte à la fois, irradie le film de sa présence électrique. En ce sens, un soin tout particulier a été apporté à la lumière par le chef-opérateur, Jacques Loiseleux. Les longues séquences filmées par Pialat épousent donc parfaitement le travail sur la photographie et servent de façon pertinente le discours du film. Ainsi, la première scène entre Luc et Suzanne, en plein émoi amoureux est superbement mis en exergue par la lumière et les rais de soleil qui viennent éclairer puis obscurcir le visage des acteurs, symbolisant les vicissitudes de leurs âmes. Ce travail sur la lumière naturelle n'est pas étonnant de la part de Pialat qui était également peintre. Le cinéaste arrive à créer une ambiance poétique qui prend tout son sens à travers le personnage de Suzanne. Quel est son mal? Et plus généralement, quel est le mal de l'être humain? Le père apportera une réponse pertinente à cette question lors d'une scène d'anthologie où il assènera cette phrase attribuée à Van Gogh : «La tristesse durera toujours, je croyais que c'était triste d'être un type comme Van Gogh. Je crois qu'il a voulu dire que c'est les autres qui sont tristes. C'est vous qui êtes tristes. Tout ce vous faites, c'est triste.»
Entre tendresse et conflit, passé et modernité, A nos amours reste une œuvre saisissante.