Pour commencer, je tiens à préciser qu’il n’y a nul besoin de connaître le manga sur lequel s’appuie ce long métrage pour apprécier le grand spectacle qu’il offre. Parce que c’est un film à grand spectacle ! On en prend plein les mirettes, mais pas seulement ! Bien que se situant dans un monde en proie à la violence, "Alita : battle angel" offre de l’émotion en présentant tout ce qu’il y a de plus beau chez l’être humain, sans oublier de le confronter à tout ce qu’il y a de plus vil. Un film tout en contrastes donc. En effet, en ce XXVIème siècle, le temps où les villes étaient belles à regarder semble bel et bien révolu : plus de bâtiments qui font le charme de ces cités qui attirent la curiosité des touristes. Fini. Tout n’est plus qu’un amoncellement de structures abritant des habitants clairement en surpopulation, au milieu desquels circulent non sans se bousculer à cause de l’étroitesse des lieux des robots appelés centurions, des cyborgs chasseurs de primes et des humains dans ce qui pourrait finalement s’apparenter à une fourmilière à ciel ouvert. De plus, la possibilité d’observer la voûte céleste semble très compromise par la présence de cette sorte de vaisseau amarré à la ville, engin qui fascine pour les uns (vous saurez pourquoi en voyant ce film) et qui inquiète pour les autres. Pour ce qui est de cette inquiétude, il y a de quoi puisque ce mystérieux vaisseau n’a de cesse de jeter sans cesse ses détritus sur la ville, au point d’en produire un tas presque aussi haut que les bâtiments les plus hauts. Et franchement, ça donne à réfléchir sur le devenir de notre monde. Serait-ce là un point de vue visionnaire ? Ma foi, je serai incapable de donner la réponse, mais j’ai bien peur que oui hélas. Toujours est-il que ni vous ni moi ne serons là pour voir ça. En même temps, ça ne donne pas envie. Mais c’est bien de là que part l’intrigue du film. Et que part une réflexion, déjà présente dans nos esprits : est-ce que tout ce que nous jetons aujourd’hui doit être vraiment jeté ? Le Docteur Dyson (descendant du célèbre inventeur des aspirateurs du même nom ?) semble penser que non puisque nous le retrouvons en pleine quête de la (des) pièce(s) utile(s) sur cette montagne de détritus, non sans rappeler le touchant Wall-E qui collectionnait des articles en apparence sans intérêt. Et c’est ainsi que débute un merveilleux conte alors que nous sommes dans un contexte de science-fiction. Car quoi qu’on en dise, il est impossible de ne pas ressentir un minimum d’attachement à l’héroïne du film, à savoir Alita. Sous son air ingénu, se cache une forte personnalité. En fait, si on s’attache à elle, c’est parce qu’elle se révèle plus humaine que les humains eux-mêmes, obsédée qu’elle est par la poursuite de son passé oublié. Envers les véritables humains, le spectateur aura une approche un peu différente. D’abord parce que de la même manière qu’Alita, on craint que le Docteur ne se livre à des actes répréhensibles, ensuite parce que Hugo joue double-jeu conformément à ses desseins personnels, et enfin parce que Chiren est du mauvais côté de la barrière. Dans tous les cas, point de vue émotionnel ce sont bien Rosa Salazar et Christoph Waltz qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Evidemment, comme dans toute bonne production américaine qui se respecte (à laquelle les canadiens et argentins sont venus se joindre), on n’échappe pas à la romance. Alors que quelquefois ces fichues romances n’ont pas lieu d’être, celle-ci fonctionne. Même mieux, on espère qu'elle ira le plus loin possible pour se finir sur un happy end. Vous voulez que je vous dise pourquoi ? Parce que les scénaristes ont pris le soin de la laisser se construire : doucement mais sûrement et qu’on sent vraiment qu’il y a quelque chose qui unit ces deux êtres. Doucement mais sûrement, ce sont d’ailleurs les maîtres-mots qui caractérisent ce film : rien ne parait précipité. Pour dire mieux, l’intrigue semble se dérouler selon une logique implacable, au fil de jours, de semaines (de mois ?) qui passent. Cerise sur le gâteau, un soupçon d’humour ici et là, toujours utilisé au moment opportun, jamais surfait et donc toujours décliné sous forme de spontanéité, autrement dit naturel. Alors certes on peut s’offusquer que la fin ait un goût d’inachevé, car on aurait aimé voir Alita aller jusqu’au bout du bout, mais si c’est une façon de préserver une éventuelle suite, alors d’accord : je signe de suite pour un second épisode. D’autant que les effets visuels ont été très réussis, et que la cause du spectateur est très rapidement (et définitivement ?) rattachée à Alita. Cela dit, il est pas mal aussi de laisser vaquer le spectateur au gré de sa propre imagination. Seule ombre au tableau : la prestation de Mahershala Ali, lui qui a été si bon dans "Green book : sur les routes du Sud". En effet, on ne peut pas dire qu’il se révèle aussi inquiétant que son personnage Vector aurait dû l’être, en tout cas pas autant que Ed Skrein dans la peau de Zapan, personnage qu’on sent potentiellement très dangereux à tout moment. Aussi une question se pose, du moins pour ceux qui ne connaissent pas le manga comme moi : n’y aurait-il pas quelqu’un au-dessus de Vector ? Dans tous les cas, nous sommes en présence d’un excellent divertissement de deux heures malgré une ou deux petites choses convenues comme l’intervention du chasseur de prime maître-chien. En prime, ceux qui avaient apprécié "Rollerball" (1975) vont être ravis de revoir ce « sport » violent revisité et remis au goût du jour. Enfin quand je dis au goût du jour, je parle du XXVIème siècle.