Tout commence à Rome, à la fin des années soixante. Cinq adolescents volent un voiture, force un barrage de police, et sont rattrapés par les carabiniers. Un meurt, et les quatre autres vont en prison. A leur sortie, devenus adultes, ils enlèvent et exécutent un aristocrate. Mais au lieu de se partager la rançon, ils se rallient à la proposition du Libanais : mettre l'argent en commun pour s'attaquer à la domination sur le milieu romain. En liquidant les "vieux" parrains (des quadras !), ils contrôlent rapidement la prostitution et le trafic de drogue. Le commissaire Sciajola se met sur leur piste, et pendant quinze ans, il va tenter de démanteler la bande qui s'est alliée avec la mafia sicilienne. Quand le Libanais est balancé, il sort vite de prison, sur l'intervention d'un mystérieux personnage au bras long...
L'ascension et la chute d'un gang, c'est un thème classique du cinéma : des "Affranchis" à "Scarface", en passant par "Le Parrain" et "Il était une fois l'Amérique". Sauf qu'ici, nous sommes en Italie, et en plein au milieu des années de plomb. Et l'action se déroule en même temps que ces événemets qui ont ensanglanté la péninsule, et dont les personnages d'abord témoins vont devenir les protagonistes : l'assassinat d'Aldo Moro, l'attentat de la gare de Bologne, le scandale de la loge P2.
Le cinéma italien, à la recherche d'un renouveau depuis trois décennies, a été capable de produire récemment deux films portant sur cette période : "Buongiorno, Notte" de Marco Bellochio, qui retraçait en 2004 l'enlèvement, le "procès" et l'exécution d'Aldo Moro, et "Romanzo Criminale". Ici, nous n'avons pas affaire à des Brigadistes, mais à des petites frappes qui s'imposent au milieu romain en appliquant des méthodes plus radicales. Sans conscience politique autre que la recherche du profit maximum (donc une conscience égale à celle de Berlusconi...), ils se font rattraper par l'actualité en devenant les exécutants des services secrets pour éliminer le poseur de bombe de la gare de Bologne (85 morts en 1980). Et ce n'est pas un hasard si l'histoire s'achève en 1989 avec la chute du Mur de Berlin : le "combat" des barbouzes peut s'arrêter avec la mise au rencart de la génération politique de l'après-guerre.
Le scénario a été écrit à partir du livre éponyme du juge Giancarlo De Cataldo, et malgré les nécessaires aménagements dramatiques, on ressent bien ce qu'ont pu être ces années noires pour l'Italie. Les pantalons pat'd'éph, les coiffures à la Cerrone, les Vespa, les Fiat 600 et l'omniprésence de la musique disco ainsi qu'une photographie dans les dominantes froides participent de cette évoaction des années 70/80.
Les acteurs sont assez convaincants : Kim Rossi-Stuart, tout en crispations de mâchoire, Pierfrancesco Favino, avec une énergie animale, et la trop rare Anna Mouglalis. Il y a bien quelques longueurs (près de 2 h 30 pour résumer vingt années), mais le rythme est nerveux, même si le recours à l'ellipse et à l'implicite peut rendre la narration parfois un peu touffue, particulièrement pour un public non italien. Certaines situations ne sont pas crédibles, comme la relation entre la pute et le commissaire ; certains flash-backs au ralenti semblent exhumés d'un autre âge. Mais l'ensemble réussit à s'imposer malgré tous ces petits défauts, à la fois par le respect du genre et par son renouvellement grâce à son inscription dans un contexte historique aussi particulier.
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