Impossible de réduire "Ghost" à une seule catégorie. Etonnant hybride tout droit sorti du cerveau de Jerry Zucker, ce drôle de mélange entre romantisme, drame, fantastique et comédie fabrique une rare alchimie, tout à la fois hypnotique et féérique. Adorable petit couple très épris, débordant de sensibilité et de tendresse, Sam Wheat et Molly Jensen partagent un amour sincère, porteur des plus belles espérances. Lui est cadre dans une banque d'affaires de New York, elle, artiste sculpteur. Et quand l'un et l'autre se retrouvent devant le tour de potier, que la glaise malaxée prend forme et se déforme entre les doigts de Demi Moore, on assiste au son des Righteous Brothers à l'une des scènes les plus sensuelles du cinéma de ces 15 dernières années. Une ombre surgie de nuit d'une ruelle sombre va pourtant briser net leur bonheur et faire basculer Sam dans le monde parallèle des fantômes. Sans être révolutionnaires, les effets spéciaux pour créer cet univers charnière entre les vivants et les morts nous transportent bel et bien en même temps que le héros vers un entre-deux flottant, dématérialisé où la lumière blanche décrite de façon réuccurente lors des EMI semble aspirer les êtres dans son tunnel ascendant. Le fameux passage. Condamné à sa condition d'âme errante, Sam est d'abord dévasté d'avoir perdu sa bien-aimée, avant de réaliser que son nouveau statut le dote de pouvoirs extraordinaires, comme celui de passer à travers les portes et de se trouver en tout endroit qu'il lui plaira sans être vu. Ne pouvant se résoudre à oublier Molly, il la suit partout et la couve de son aura protectrice. C'est ainsi qu'il découvrira la trahison de son meilleur ami, Carl Bruner. Transcendé, fou d'angoisse et de frustration de ne pouvoir entrer en communication avec elle pour la prévenir du danger qui la guette, il bravera lui-même l'horrible fantôme du métro pour apprendre à déplacer les objets, mais pourra aussi compter sur l'aide précieuse d'Oda Mae Brown, voyante farfelue un peu escroc sur les bords. Whoopi Goldberg est absolument désopilante dans le rôle. "Idem" pour la performance de Demi Moore, qui compose une Molly tout à fait craquante avec sa frange de brunette au regard vert. Par contre, même si le personnage de Sam est évidemment ravagé par ce qui lui arrive, Patrick Swayze a tendance à surjouer. Un peu plus de sobriété dans la démonstration des sentiments n'aurait pas nui. Reste que l'ensemble est parfaitement réussi, maîtrisé, émouvant, avec un scénario original et un suspense efficace qui donne à l'histoire des allures de thriller. Sans compter une très jolie fin, dans une ambiance évanescente, où les yeux n'arrivent pas à se quitter, où l'être aimé doit pourtant partir seul vers son destin dans l'au-delà. Magnifique télescopage des genres !