"Le dernier roi d'Écosse" est l'un des titres extravagants dont aimait s'affubler le dictateur Idi Amin Dada, à la tête de l'Ouganda entre 1971 et 1979. On lui en colla un autre moins poétique, plus réaliste : le "boucher de l'Afrique", eu égard aux dérives barbares de sa gouvernance. Pour aborder son histoire, le réalisateur Kevin MacDonald adopte un angle original, qui est aussi celui du livre de Giles Foden dont le film est tiré, à savoir la relation entre le tyran, dont l'arrivée au pouvoir était synonyme d'espoir, et son médecin personnel (personnage inventé), rencontré au début de son règne. On navigue donc entre réalité historique et fiction pour un résultat intelligemment tissé et très crédible. Une crédibilité qui doit beaucoup, outre au scénario, à la performance "hénaurme" de Forest Whitaker, complètement habité par son personnage, et au bon contrepoint apporté par James McAvoy. Dans cette histoire, la relation entre le chef d'État ougandais et son "singe blanc" joue constamment sur le registre de l'ambivalence pour cerner deux personnalités ambiguës. D'un côté, un dictateur à la fois inquiétant et séduisant, qui souffle le chaud et le froid, entre vérité et mensonge, entre raison et folie paranoïaque. De l'autre, un jeune médecin aventurier, mi-sympathique, mi-antipathique : profiteur, un peu naïf, un peu lâche, dépassé par des événements dont il ne perçoit (ou ne veut percevoir) que tardivement l'ampleur tragique. Le film vaut donc non seulement pour sa reconstitution historique, sa réflexion sur le pouvoir politique, mais aussi pour ses enjeux moraux, dont le trouble et l'intensité nourrissent au final un thriller oppressant. Le dernier quart d'heure est particulièrement dur et puissant.