S'agit-il d'un chef d'oeuvre, je ne saurais dire, c'est tout cas un film mythique, puisqu'il n'a pu être projeté à Cannes en 1968, lorsque les cinéastes se mobilisèrent pour Henri Langlois, qui avait été remercié par le gouvernement de la cinémathèque, qu'il dirigeait jusqu'alors. L'atmosphère était éminemment polémique et politique et le festival s'interrompit. Venons-en au film proprement dit. Plus le film avance, plus la tension monte, un sentiment d'oppression croissante m'a assailli, sans doute à la mesure de l'enferment de Julian, le personnage central, radiologue de son état. L'autre personnage central, c'est l'actrice Géraldine Chaplin, sublime en double femme. Brune et effacée en assistante du médecin et blonde et libérée, désinvolte en épouse de Pablo, son ami d'enfance. Il y a de la perversion entre eux, des relations troubles, où la femme de l'autre est désirée pour un souvenir d'antan immortalisé, fétichisé, comme le sera d'ailleurs l'assistante du médecin. Un film sur un temps passé peuplé de souvenirs vifs, quasi intacts et dont il ne reste dans la réalité que des ruines. Bien qu'il ne dure qu'une heure trente, le film semble durer une éternité.