La Graine et le mulet est un film superbe. Superbe dans son message qui pousse à l’entreprise, à l’audace face à une morosité castratrice de secteurs économiques qui périclitent. Superbe dans sa direction d’acteurs. Kéchiche est décidément un fabuleux génie. C’est par ailleurs en lisant certaines critiques que le nom de Pialat m’est apparu. Pialat avait en effet dans sa première période, une propension aux scènes de la vie quotidiennes, jouées par des acteurs amateurs à la justesse saisissante. Kéchiche marche sur ses traces. Enfin le film est superbe dans sa manière de traiter les émotions et les sensualités. Si le film est assez verbeux (cf. la scène où la femme exulte sa rage de voir son mari la tromper ouvertement et ne peut s’arrêter de parler, ainsi que le long débat des anciens autour de la soirée organisée par Slimane), il est aussi extrêmement doué dans les non-dits. Les acteurs explosent, crient, et d’autres intériorisent : Hafsia Herzi se tait face aux fils de Slimane, mais expulse ses tensions dans une danse finale très sensuelle, à la limite du don de soi. Car si le film porte les valeurs familiales et des valeurs d’entraide, il est surtout un film d’amour qui transcende la paternité. Rym aime Slimane. La Graine et le mulet évoque donc la graine (Rym), qui germe à la fin du film et se révèle une plante sulfureuse, et le mulet, Slimane, qui porte tout le poids de sa vieillesse, de sa famille, de ses amis, et de la tradition. Un chef d’œuvre de 2h30 où le temps est invisible.