Dans le Nouvel Observateur, Gérard Depardieu déclare : "Le film se nourrit de la réalité. Ces petits bals, ces gens, ces ambiances sont hors du temps et pourtant ils sont pleinement d'aujourd'hui. Cest un peu comme dans "La partie de Campagne" de Renoir, intemporel et plein de la réalité. Il y a quelques années, on aurait peut-être présenté ce personnage comme un ringard, mais aujourd'hui il n'y a plus de ringards, la télé-réalité les a supprimés. Les intellos trouvent ça passionnant parce que c'est vrai, ils suivent le feuilleton, alors que tout ça n'est que de la connerie."
C'est fort de cet avis péremptoire que je suis allé voir "Quand j'étais chanteur", avec le désir de vérifier ce rapport à la réalité et la (non)ringardise. Le début du film m'a paru aux antipodes de cette intention: la vie de province présentée ici (thème à la mode dans le cinéma français contemporain, de "Selon Charlie" à "Je vous trouve très beau") n'est ni hors du temps, ni d'aujourd'hui : on a l'impression d'être dans un film des années 80, de Boisset ou de Granier-Deferre.
La faute à des dialogues un poil trop écrits, au jeu de Depardieu qui fait du Depardieu (même si c'est en version light), a des figurants atiffés comme des pensionnaires de maisons de retraite vus depuis Paris.
Basée sur une idée intéressante (la séduction qui vient après l'amour charnel), l'histoire entre André et Marion a du mal à s'émanciper des clichés qui la bordent : la jeunesse de l'une qui renvoie l'autre à son vieillissement, les différences qui s'estompent devant la communauté des coeurs brisés, les blessures du passé qui empêchent un avenir commun.
Le film erre à l'image d'André qui répète à l'infini les mêmes scènes : visite de maisons, concerts dans des endroits improbables, reprise des chansons de "roucoule", teinture de ses cheveux, chassé-croisés avec son ex. Ce n'est qu'au détour de quelques scènes, notamment muettes, qu'il réussit à rendre enfin crédible et émouvante cette errance : une danse sur "Morir de Amor" de Compay Segundo et Aznavour, ou encore ce long traveling dans le café où André s'est réfugié alors que résonne la voix de Christophe chantant "Les Paradis perdus".
Et puis, il y a le jeu de Cécile de France, à l'opposé de celui de son partenaire, plein de nuance et de retenue, mélange de fragilité et d'entêtement, qui réussi à donner corps à un personnage aussi éthéré. Alors, pour elle, on en arrive à oublier l'aspect juke-box de l'ensemble, où Giannoli n'a pas oublié de glisser la version française de "Quizas, quizas, quizas", histoire de se rappeler au bon souvenir de Wong Kar-Waï.
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