Grâce au succès de Rocky Balboa, Sylvester Stallone est arrivé à remonter sur le devant de la scène en tant qu’acteur mais également en tant que réalisateur. Il en profite ainsi pour ressusciter son autre personnage fétiche : John Rambo. Après deux derniers épisodes s’éloignant du réalisme et ayant transformé le personnage en super-guerrier quasiment invincible à la psychologie assez mince, il décide, comme pour le célèbre boxeur, de revenir aux sources, c’est-à-dire un personnage traumatisé pour ce qui est du vétéran du Vietnam. On retrouve donc, comme pour le premier épisode, un personnage hanté pour ses expériences de guerre et rejetant le monde qui l’entoure ("Fuck the world").
Cette psychologie troublée apparaît pleinement dans la séquence du cauchemar réutilisant de manière impressionnante des extraits des précédents volets (et même la séquence finale alternative du premier épisode).
Rambo est redevenu réellement un personnage torturé qui ne peut désormais s’accomplir pleinement que dans la violence bien qu’il rejette totalement cette partie de sa personnalité. On pourra d’ailleurs regretter que l’acteur-réalisateur ait coupé de la version cinéma une séquence de discussion de presque 5 minutes entre Rambo et Sarah précisant encore plus la psychologie de son héros et éclaircissant son choix d’aider la jeune femme et ses compagnons.
Mais ce travail sur le personnage n’est pas le seul aspect de réalisme que Stallone cherche à traiter. En effet, il décide de montrer toute l’horreur de la guerre et du génocide du peuple Karen par la junte militaire birmane que le film permet de mettre en lumière, l'Occident le connaissant très mal. Ainsi, il fait preuve d’une crudité assez incroyable dans les scènes de massacres et n’épargne aucune abomination au spectateur : exécutions d’enfants par balles ou en étant jetés au feu, membres ou têtes arrachés ou découpés, corps déchiquetés par des mines… De plus, pour une fois, Rambo, tout en restant un combattant d’exception, n’est pas seul pour vaincre une armée entière, privilégiant la crédibilité au côté fun. L’aspect distrayant des précédents volets disparaît et laisse place à une violence nettement plus crédible qui perd tout aspect plaisant.
Ce réalisme est d’ailleurs annoncé dès la première séquence puisque celle-ci adopte la forme du reportage (la version française emploie même Patrick Poivre d’Arvor dans les voix-off). En effet, d’un point de vue visuel, Sylvester Stallone (dont c’est l’unique passage derrière la caméra pour un Rambo) adopte une forme en rupture totale avec les précédents épisodes. Les séquences de guerre sont extrêmement découpées et utilisent beaucoup la caméra portée pour renforcer la crudité des images : on peut voir John Rambo comme une forme de prolongement de l’expérience d’Il faut sauver le soldat Ryan. Comme pour Rocky Balboa, le cinéaste s’autorise une utilisation du noir et blanc et des séquences proches de l’expérimental
(la séquence du cauchemar citée précédemment)
ou purement cinématographique
(celle de la forge du poignard réactualisant une scène coupée de Rambo III)
.
Si le scénario ne cherche pas à offrir une multitude de rebondissements (et reprend au passage une structure proche de celle de l’épisode précédent), c’est qu’il cherche à privilégier cette vision d’un monde d’une grande dureté. Ainsi, comme pour le premier épisode, on peut retrouver un regard sans pitié sur l’humanité et la civilisation américaine mettant dos à dos des humanitaires pleins de bons sentiments mais complètement déconnectés de la réalité des terrains de guerre (c’est d’ailleurs cette connaissance de ceux-ci qui rend Rambo totalement désillusionné et qui le pousse à vouloir les éviter à tout prix) et des mercenaires représentés par un chef macho, raciste et totalement imbu de lui-même.
Pourtant, c’est cette plongée en enfer qui permet au personnage de l’ancien béret vert de se sentir prêt à renouer avec ses origines dans une séquence finale qui semblait à l’époque être une conclusion parfaite à la saga.