John Rambo a au moins un mérite : il ne bouge pas d'un poil. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il n'a pas pris une ride, mais au moins, les spectateurs qui l'avaient laissé il y a vingt ans dans les montagnes afghanes en train d'exterminer une division soviétique, n'auront aucun mal à le reconnaître : taiseux, musculeux et mono-expressif à la limite de l'hémiplégie, avec un délicat côté Faut-pas-gonfler-Gérard-Lambert-quand-il-répare-sa-mobylette.
Le monde a changé, l'Axe du Mal s'est décentré de la Place Rouge, mais tout ça n'a visiblement pas grande importance. Ce qui compte, c'est de trouver des méchants vraiment très méchants, et pour ça, on n'a encore que l'embarras du choix. On aurait pu s'attendre à trouver JR à Najaf, mais au milieu de 135 000 GIs, il aurait fait tâche avec son arc. C'est donc du côté de la junte militaire du Myanmar qu'on a embauché les affreux, et franchement, ils font parfaitement l'affaire : dès le générique, on nous inflige des images d'actualité avec des têtes décapitées et des cadavres boursoufflés, et déjà on a envie de faire exploser quelques têtes de trouffions birmans.
Et puis, ça doit rappeler le bon vieux temps du Nam à notre héros bodybuildé, avec ces silhouettes de petits macaques grimaçants qui remplacent celles des vietcongs de l'Oncle Hô, éternelles incarnations du péril jaune. Donc, John coule une retraite heureuse dans sa cahutte au fin fond de la Thaïlande. Bon, d'accord, il ne plante pas de courgettes dans son lopin de terre, il ne suit pas des cours de macramé ou de feng-shui, non, il attrape des cobras pour arrondir ses fins de mois, que voulez-vous, on ne se refait pas. Que dire de ce nouvel -et espérons-le, ultime- épisode des aventures de la créature du Colonel Trautman ? Constatons tout d'abord que Sylvester Stallone, qu'on n'a pas vu dans un bon film depuis "Copland", a dû beaucoup perdre dans la crise des sub-primes, puisque le voilà réduit à exhumer Rambo quelques mois après avoir sorti M. Balboa de la naphtaline.
Rien de nouveau pour l'intigue : Rambo qui n'aspire qu'à vivre heureux, donc caché, est contraint d'aller arracher de pauvres gens bien méritants des griffes de leurs geoliers sanguinaires. On retrouve là le synopsis du 2 et du 3, le 1 présentant l'originalité de se dérouler au pays et d'offrir une parabole sur l'impossible retour à l'American Way of Life des boys transformés en machines à tuer, et cela plus de 30 ans avant "Dans la Vallée d'Elah".
Rien de nouveau pour la réalisation, prise en main cette fois-ci par Sly himself : montage à la AK 47, ralentis pour mieux voir le sang gicler (avec un acharnement particulier sur les crânes, décapités, explosés à la dum-dum, transpercés par des flêches ; pourquoi tant de haine, est-ce parce que c'est là où se trouve le cerveau ?), le tout baigné par la musique de Bryan Tyler à côté de laquelle Le régiment de Sambre-et-Meuse fait figure de poème élégiaque.
Rien de nouveau non plus du côté de la philosophie ramboesque : de "I Fuck the World" ou "Vous ne changerez rien", à "Vivre pour rien ou mourir pour quelque chose", on assiste à l'émergence d'une pensée morale qui s'arrêtera là, pour cause de plafond sémantique. Non, le seul et minime intérêt collatéral, c'est de voir comment le supporter de John McCain (qui lui, a vraiment fait le Vietnam) intègre la marche du monde à l'univers mononeuronal de Rambo. La marche du Monde, ou plutôt le débat qui agite le parti Républicain : comment concilier l'isolationnisme du vétéran et l'évangélisme missionnaire de Sarah et de Michael ? Ces deux derniers font partie d'une église "panasiatique" basée dans le Colorado, et viennent apporter aux Karens médocs et livres de prière, faut dire qu'il y a encore 30 % de bouddhistes et 30 % d'animistes dans ce coin-là.
Cela nous vaut d'ailleurs une scène édifiante où les gentils Karens écoutent sagement le bon père blanc leur délivrant la parole du Christ, je n'avais pas vu aussi sulpicien depuis la Vie de Don Bosco raconté dans Les belles Histoires de l'Oncle Paul.
Alors, me direz-vous, pourquoi être aller voir un film impérialiste, ultra-violent et à la limite du racisme ? Sans doute parce que "John Rambo" arrive en tête des critiques des spectateurs sur Allociné avec 3,52/4 de moyenne, et que déjà 254 critiques amateurs lui ont attribué 4 étoiles, soulignant son "réalisme" et la dénonciation d'un conflit oublié. Point de vue réalisme, où se niche la réalité dans ce jeu video, ce shoot them all où Rambo égorge à main nue avec la facilité d'un Ken le Survivant et découpe en deux quelques centaines de bidasses à la mitrailleuse ? Quant aux Karens, ils sont aussi instrumentalisés dans le rôle des gentils que les Birmans le sont dans celui des méchants, simples figurants d'une affaire de Yankees. Je me prépare donc à quelques commentaires rageurs, comme pour "300" ou "Apocalypto". Pas grave, ça fera monter mon blog rank !
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