Premiers plans du film : la campagne au fin fond du Kansas. Une voiture s'arrête, en sort une jeune fille qui sonne à la porte de la maison. Pas de réponse, la porte est ouverte, elle rentre, elle appelle, rien. Elle monte à l'étage, et découvre le cadavre de son amie auréolé d'un jeyser de sang. New York. Truman Capote, scénariste et romancier à succès, assumant crânement son homosexualité, découpe un article sur le quadruple meurtre du Kansas. Accompagné de son amie et collaboratrice Nelle, il part enquêter pour le "New Yorker". Grâce à sa célébrité, il se fait inviter chez le sheriff qui mène l'enquête, obtient le journal intime d'une des victimes, se fait montrer les photos du meurtre.
Jusqu'au jour où les deux assassins se font arrêter, et rapidement condamnés à mort. Capote graisse des pattes pour pouvoir les approcher, les amadouer, et progressivement s'en faire accepter, particulièrement de Perry. Il leur trouve les avocats qui d'appel en appel, vont réussir à repousser l'exécution de plusieurs années. Entretemps, le projet d'article s'est transformé en projet de livre d'un genre nouveau : la "non fiction novel". Il multiplie les entretiens avec Perry, avec un objectif, l'amener à raconter ce qui s'est passé cette nuit-là dans la maison des Clutter.
"Truman Capote" n'est pas un biopic, une de ces biographies romancées en vogue à Hollywood, et heureusement. Bennett Miller a décidé de ne s'intéresser qu'à ces six années qui ont mené à l'écriture de ce qui sera le dernier livre achevé de Capote. Il s'est concentré sur les relations entre l'écrivain et l'assassin, dont il dit : "C'est comme si nous avions été élevés ensemble dans la même maison, et que j'en étais sorti, moi, par la porte de devant, et lui par la porte de derrière."
Pour faire parler les témoins et plus tard le meurtrier, Truman Capote commence par parler de lui, de son enfance, du sentiment de rejet, de la difficulté d'être différent. Avec Perry, il partage l'absence du père, le suicide des proches ; quand le prisonnier refuse de s'alimenter, il va acheter des petits pots pour bébés et le nourrit à la cuillère.
Mais assez vite, il se trouve confronté à un dilemne : d'un côté Perry en acceptant de se livrer lui accorde son amitié, alors qu'il est abandonné de tous, et même de sa famille ; de l'autre, comme il s'est engagé à ne pas publier le livre avant "la conclusion" de l'affaire, il attend la pendaison et ne peut qu'adopter la fuite devant les reports successifs de l'échéance.
Le film repose sur la performance de Philip Seymour Hoffman, qui a obtenu le Golden Globe et l'Oscar. Jusque là cantonné aux deuxièmes rôles, il parvient à la fois à composer un véritable sosie de Truman Capote (la comparaison avec les images d'archives est édifiante), tant par son attitude corporelle que par sa voix de fausset, et à la fois à s'affranchir de cette imitation pour interpréter les multiples émotions contradictoires qui habitent le personnage.
Son jeu accroit l'ambiguité de son attitude, notamment par rapport à la réalité du lien qui le lie à celui qui l'appelle amigo : quand il se montre odieux avec lui quelques jours avant l'exécution, est-ce pour l'obliger à parler de la nuit du meurtre, ou est-ce parce qu'il se rend compte que cette amitié va l'entraîner là où il ne veut pas aller ?
A signaler la passionnante interview d'Emmanuel Carrère dans Télérama, où il explique comment 'De Sang-froid" a été la référence de "L'Adversaire", qu'il a consacré à Jean-Claude Romand, qui a assassiné toute sa famille après avoir fait croire pendant des années qu'il était médecin.
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