Robert Rodriguez, secondé à la réalisation par Frank Millier, rien de moins que l’auteur du roman graphique dont Sin City est l’adaptation cinématographique, replonge dans l’univers crapuleux de sa ville en noir et blanc. Le premier volet étant l’un des atouts majeurs de la filmographie de Rodriguez, les attentes pour cette suite, qui n’en n’est pas vraiment une, intitulée J’ai tué pour elle, était colossales. Certes, tout le monde n’aura pas apprécié l’opus premier, mais le film avait réuni à une foule conséquente d’aficionados à travers le monde. La déception est donc de mise, en 2014, lorsque qu’avec ce second essai, Rodriguez et surtout Frank Miller, semblent avoir manqués le coche. Les deux films sont certes passablement similaires, mais quelque chose cloche, un fossé indéfinissable se creuse entre les deux longs-métrages. Nous n’y somme plus, simplement, ayant perdu un peu notre entrain, sans doute, face aux drôles de travaux de Rodriguez, qui ne s’améliore pas comme le ferait un grand cru.
Ici, l’artificialité s’affiche au premier plan. Mais à quoi sert donc toute cette production si ce n’est surfer sur un succès populaire passé? Eh bien, elle ne sert à pas grand-chose hormis à quelques acteurs et actrices qui s’amuseront sur fond vert. A contrario de l’opus original, ou le machisme léché et la brutalité était l’atout fun du moment, J’ai tué pour elle fait la part belle à la gente féminine. On retrouvera d’ailleurs Jessica Alba, atout de charme indéniable, ou encore Rosario Dawson. Mais là où le versant féminin du film est exacerbé, c’est lors des apparitions d’Eva Green, nouvelle muse, nymphe, exotique utilisée à l’excès par les producteurs américains depuis sa prestation remarquée auprès de l’agent 007. Le charisme de l’actrice bouffe en effet l’écran, sa beauté difficilement qualifiable poussant à une certaine forme de vénération. Sur le papier, et sur écran, cela possède suffisamment de gueule pour ne pas chercher plus loin. Pour autant, la comédienne semble ici s’amuser sans trop se donner la peine de composer un personnage en tant que telle. Seuls atouts quantifiable chez les actrices engagées sur ce film, leurs postures sexy, la mise en lumière de leurs anatomies respectives. N’est-ce pas un peu réducteur?
On le sait pourtant, Robert Rodriguez est un drôle de metteur en scène, un artisan qui aime assumer les différences, les trips qu’il met en scène. Son association avec Frank Miller n’est donc pas un choix judicieux. L’électron libre n’est donc plus seul et doit composé avec un coréalisateur qui semble difficilement faire le partage entre graphisme et cinéma. Le scénario en prend alors un coup. Sin City, J’ai tué pour elle se construit sur le simple fait d’un esthétisme original, proposant la variante de présenter deux films en un. Des personnages de tous bords se croisent, s’entretuent et livrent des prestations aléatoires. Seul élément commun à ces deux orientations, le personnage de Mickey Rourke, montagne de muscle à qui on fait appelle lorsque vient l’opportunité ou l’obligation de faire couler le sang, de briser des eaux ou de laisser exploser l’animal tapi dans l’homme. Il y a donc ici deux grands méchants, mais aussi deux groupes de héros, du moins appelons les comme ça, bien distincts. La lisibilité de l’œuvre n’est dès lors pas très optimal, même se cela n’est pas une nouveauté.
La 3D aidant, visuellement, le film est remarquable. Mais c’est sans doute la seule vraie qualité d’une production qui pêche par excès de confiance. On ne s’attache réellement à aucun des protagonistes, qu’il soit vengeurs, opportunistes ou dramatiquement drôles. Du coup, la sensation d’avoir été floué persiste jusqu’au terme de l’aventure. L’originalité du premier opus étant caduque, il ne reste alors plus grand-chose à déguster si ce n’est une forme de déception. J’ai tué pour elle ne fera donc pas date, à l’exception peut-être des séquences sexy qui valorisent quelques anatomies parmi les plus affriolantes du star-system américain. On repassera. 07/20