Neuf ans, neuf ans qu’on trépignait d’impatience de pouvoir enfin voir la suite du formidable polar hyper stylisé de Robert Rodriguez et Franck Miller ! Et je dois reconnaître que ça valait tout de même le coup car les deux compères ont décidé de continuer à rendre un hommage quasi parfait à ce formidable comic. On retrouve donc avec joie cette foutue ville de Basin City, royaume des pourritures et des gueules cassées en tout genre, ainsi que certains protagonistes que l’on a suivit dans le premier opus (Marv, Nancy, Dwight, Roark). Nos petites mirettes se voient à nouveau comblées par le magnifique visuel instauré par la saga : la surprenante alliance de la sophistication numérique la plus high-tech et du dessin le plus classique donne naissance à de magnifiques images flamboyantes où le noir et blanc profond se retrouve parfois éclaboussé de rouge sang, tels des kaléidoscopes abstraits. Cela donne l’impression d’une réalité quasi surnaturelle, exactement comme le comic le faisait sur papier. Côté histoire, nous avons droit au prolongement de l’une du premier volet ainsi qu’à deux nouveaux récits, dont un totalement inédit n’apparaissant pas dans le comic original. Un choix plutôt osé compte tenu de l’importante communauté de fans qui attendait le film ; mais qui se révèle finalement payante tant l’histoire du petit nouveau, Johnny, est très sympathique et colle parfaitement au matériau de base (et en plus, le perso est super charismatique, que demande le peuple ?) Bien entendu, vu que c’est le titre du film, le script se concentre sur le comic « J’ai Tué Pour Elle » qui se révèle être un récit très sombre et permet de mieux développer le passé trouble de Dwight qui avait été à peine esquissé dans le premier film. Chose intéressante : si le premier "Sin City" avait concentré son récit sur les protagonistes masculins, cette suite donne le pouvoir aux femmes et nous prouve qu’elles ne sont pas que des faire-valoir pour les mecs et qu’elles sont elles aussi capables de tout et de prendre les armes pour prendre leur destin en main (et quand je pense qu’il y en a encore qui disent que le travail de Miller est misogyne !!) Niveau casting, nous retrouvons ceux qui ont fait le succès de "Sin City" (Mickey Rourke, Jessica Alba, Bruce Willis, Powers Boothe, Rosario Dawson) et nous avons aussi deux changements : Dennis Haysbert reprend le rôle de Manute qui été interprété par le regretté Michael Clarke Duncan , et Devon Aoki laisse son rôle de Miho à Jamie Chung pour cause de grossesse (et là, on y perd énormément : adieu la beauté glaciale et terrifiante de Devon et bonjour le joli petit minois de Jamie…la magnifique « mortelle petite Miho » est devenue la quelconque « super kawaï petite Miho »…au secours !!). Par contre, c’est au niveau des nouveau venu que l’on a les plus belles surprises : Josh Brolin reprend le rôle de Dwight (et si vous trouvez ça incohérent vis-à-vis de Clive Owen, regardez à nouveau le premier "Sin City" : la réponse y est clairement prononcée !) et s’avoue être convaincant, surtout lorsqu’il faut faire équipe avec Marv ; Eva Green est monstrueuse en Ava et s’avère être un excellent choix après le désistement d’Angelina Jolie (même si je me demanderais toujours ce qu’aurais pu faire Mme Pitt dans ce rôle !) tant elle joue énormément sur son statut de femme fatale pour donner corps et âme à son personnage ; même si leur rôle est très succinct à l’écran, il faut noter les sympathiques apparitions de Christopher Meloni, Ray Liotta et Juno Temple ; Mais la grande révélation du film, c’est Joseph Gordon-Lewitt qui s’éclate à incarner un Johnny très charismatique (exploit d’autant plus grand que ce personnage n’existe pas dans le comic d’origine : il fallait le faire accepter aux fans, donc ne pas le foirer !!). Pour finir, je noterais la présence de Stacy Keach en Wallenquist totalement méconnaissable (un grand bravo aux maquilleurs et prothésistes pour cet incroyable résultat !) et par le caméo aussi inattendu que sympathique de Lady Gaga (l’effet "Machete Kills" ?!) C’est bien gentil d’énoncer les points positifs d’un film, mais il faut aussi s’attarder sur ces points négatifs car, malgré le fait que je sois un énorme fan du comic et du premier film, "Sin City 2" est une séquelle imparfaite et ce pour deux points : 01) son rythme irrégulier : le fait d’avoir cherché à enchaîner les histoires les unes après les autres n’est pas très subtil car l’histoire de Dwight et Ava prend trop de la place. Imbriquer les récits les un dans les autres aurait été plus judicieux, d’autant plus que le public est désormais habitué à ce genre de narration déstructurée. 02) La violence atténuée : je ne sais pas si c’est encore un problème dû à des producteurs désireux de faire du pognon, mais la violence de "Sin City 2" a été revue à la baisse vis-à-vis de son prédécesseur. Non pas qu’elle n’existe plus (il y a toujours des fulgurances
comme l’œil de Manute ou la défiguration de Dwight
), mais elle est moins brutale, un peu plus cartoonesque (un peu comme cette scène où Miho sort d’un vasistas pour décapiter quatre vilains dans un mouvement tout droit sorti d’une chorégraphie de natation synchronisée !)…ce qui est assez paradoxal avec l’univers froid, cruel et sans merci de Basin City. "Sin City 2" est une très bonne bonne adaptation des comics de Miller et une séquelle honnête de son prédécesseur, même si elle n’arrive pas à garder son niveau d’excellence. Un bon polar dont l’esthétique très darky est totalement envoûtante. Miller et Rodriguez travaillent déjà sur un troisième film (et cela n’est pas étonnant du tout vu que trois comics de la saga n’ont toujours pas été traités : « Des Filles et des Flingues », « Valeurs Familiales » et « L’Enfer en Retour »), et j’espère sincèrement qu’ils reviendront au côté sombre absolu du premier volet.