Une amie me disait il y a quelques temps qu'elle n'irait pas voir "Michael Clayton", car elle avait l'impression que toute l'histoire était contenue dans la bande-annonce. Elle avait raison, mais ce qu'elle ne pouvait pas deviner, c'est que le seul effet supplémentaire apporté par les presque 2 heures du film, c'était précisément la dilution artificielle de cette simplicité narrative.
Le film puzzle est à la mode, depuis "Amours Chiennes" ou "Traffic". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, aux côtés de Sidney Pollack et d'Anthony Minghella, on retrouve Steven Soderbergh comme producteur délégué de "Michael Clayton". Le sujet, à savoir une class action de petits propriétaires ruraux contre une multinationale qui les a empoisonnés, avait tout pour séduire le plus jeune vainqueur d'une Palme d'Or : il l'avait traité dans "Erin Brockovich".
Mais tout oppose le combat de la nunuche sympathique jouée par Julia Roberts au polar emberlificoté de Gilroy. La clarté narrative, tout d'abord. Soderbergh, pourtant capable de construire des récits complexes, comme "Solaris" ou "The Good German", avait choisi la simplicité chronologique en plaçant le spectateur dans la même position que celle de son héroïne qui découvrait en même temps qu'eux les arcanes du dossier.
Ici, au contraire, tout est fait pour opacifier artificiellement la compréhension du spectateur : flash-backs, présentation elliptique de fragments de l'intrigue, décalages fréquents entre les images et la bande-son. Les gens parlent par périphrases, citent des personnages non identifiés et des faits décontextualisés, et comme nous ne possédons pas tous un doctorat en droit comparé, on achève de se perdre au petit jeu de qui est qui.
Et comme tout serait encore trop simple comme ça, on nous balance la vie privée de Michael sur le même mode, et on est drôlement embêté que Timy ait piqué les quatre pneus Michelin de Stéphanie, même si on ne comprend pas trop pourquoi cela met tant en colère notre héros.
L'effet de cet embrouillamini ne se fait pas attendre : on s'ennuie vite, et ferme. Quand les explications arrivent enfin, c'est surtout l'impression de mille fois déjà-vu qui prédomine, jusqu'au coup de théâtre final paresseux. Certains critiques ont évoqué "Syriana", et c'est assez juste : les mêmes causes (la déstructuration artificielle du récit) produisent les mêmes effets (le désintérêt progressif).
La comparaison avec "Erin Brockovich" ne se limite pas à cet aspect, puisque la photographie du film de Soderbergh était baignée de lumières chaudes, alors que dans "Michael Clayton" prédomine une image blafarde et bleutée, à l'unisson du jeu mono-expressif de George Clooney, tout en oeil sombre et en crispation de mâchoires.
Le propos politiquement correct (empoisonner les gens, c'est pas bien, chercher à faire de l'argent à tout prix non plus) ne suffit pas à compenser la mollesse dépressive de l'ensemble et à distinguer "Michael Clayton" du tout-venant de la production américaine.
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