Ce film Coréen, pourrait très bien être adapté en France, ou en Italie, car s'il touche à l'universel, les thèmes culturels qu'il traite font tout aussi européens. On pense au cinéma intimiste de Rohmer, ou celui de Varda Le film dans le film m'a fait pensé au "Vizir blanc", le premier long métrage de Fellini, une sorte de comédie dramatique, où le cinéaste nous montre que les acteurs de cinéma, les "stars" sont au fond des gens comme les autres, avec les mêmes doutes, et les mêmes vanités, une fois qu'ils sont sortis de l'écran!. .
L'action est très tenue, et les dialogues sont omniprésents. Peu d'action. Pourtant on ne s'ennuie pas, mais on reste attentifs, sur ses gardes, dans une zone d'insécurité permanente, prêt à un invraisemblance et une nouvelle pirouette du scénario, après avoir été manipulé habilement pendant la première partie du film.
Désormais, semble dire le cinéaste:: "Vous êtes dans la vraie vie!"
Le jeu de l'acteur principal interprétant un personnage qui semble psychotique, ou du moins atteint de troubles de la personnalité est troublant. Ce film étonnant fait passer en quelques secondes d'un contraste à l'autre, par le jeu de la lumière de sentiments et d'émotions instables. Et en cela il est sans doute très asiatique, attaché aux subtilités de l'âme et aux variations des regards, et des jeux de lumières changeant.
On est ravi de la fraicheur de certaines scènes, respirant la jeunesse, les hésitations, et troublé par des ressorts dramatiques qui surgissent, parfois très rapidement, dans des zones qu'on aurait pu penser de confort, comme à la fin de ses scènes d'amour, où les deux amants tiennent des propos morbides.
.Le cinéaste veut sans aucun doute nous mettre dans une zone d'inconfort, et de malaise, propre à susciter un intérêt inquiet, "l'intranquillité" de Fernando Pessoa, et à ne pas perdre le fil de la moindre scène, tant des choses étonnantes se jouent dans la banalité apparente.
Et c'est ainsi une sorte de thriller au ralenti, dans lequel on suit les deux protagonistes principaux, d'un cote à l'autre des apparences. Sans être sûr pour autant qu'il ne s'agit pas d'un film dans le film, d'une autre manipulation.
Le jeune héros, qui a fait une école de cinéma, et dont la suite de sa vie n'a semble t'il pas rencontré la suite escomptée, semble perdu dans une saison maussade, regrettant que la vie ne ressemble pas à la perfection d'un scénario, avec des dialogues ciselés, aux mains d'un metteur en scène habile, tel ce maître dont on ne sait guère s'il l'admire ou le déteste.
Est ce pour se structurer qu'il a fait une école de cinéma, afin que sa vie soit conforme à un script, lui qui est si décousu dans ses agissements.
De ce garçon, attachant, mais pas très équilibré, on s'attend au pire, désorienté par ses impulsions et sa spontanéité, sa difficulté à accepter et même à comprendre les conventions sociétales, et les règles qui gouvernent les échanges.
La scène où il se retrouve au restaurant, avec ses anciens camarades de promotion est cruelle, tant on le sent moqué, méprisé, provoqué dans son comportement alcoolique, convié ainsi à être l'éternel "rigolo", et bouc émissaire du groupe:.
Le rôle qu'on lui a assigné, et qu'il fuit.
Quelle est notre part de liberté en présence des autres, qui nous renvoie notre passé à la figure?
Le souvenir de Mastroianni, dépressif, hantant les rues de Rome, à la recherche d'Anita Edberg, prêt à toutes les extravagances, dans " la dolce vita" m'a traversé l'esprit.
Le projet serait il de capturer la vitesse de passage des sentiments? Ou encore de nous suggérer que le courant d'une journée, est parcouru d'hésitations, de revers, de bévues, et que le hasard nous amène parfois à des décisions étranges?
Il y a dans cette histoire qu'on n'en finit pas d'explorer les même motifs qu'a cherché à mettre sur papier James Joyce dans "Ulysse", ou Virginia Woolf, dans " Miss Deloway," quand ces deux auteurs cherchèrent à représenter ce que leur héros pouvait rencontrer d'émotions dans l'espace de quelques heures, afin de représenter un tant soi peu la mouvance des idées qui nous traverse.
Peut on vraiment se suicider sur un coup de tête, à deux, emporté par la décision de l'autre? Oui, sans aucun doute. Tous les gens qui ont travaillé dans le soin savent que le raptus est bien une réalité. Tous comme les dédisions irrationnelles que certains prennent à certains moments de leur vie.
Le film explore ces zones de non dits, bien loin des déterminismes habituels, bien loin des scénarios trop léchés, où l'on chemine sur une ligne logique, et prévisible, avec des acteurs "bien campés", des "dialogues convenus". .
Je suis revenu sur cette critique, d'abord hâtivement écrite, car le film m' a interrogé toute la journée d'hier, et si c'est un mérite qu'on peut accorder à un bon film, alors celui ci est un chef d'œuvre.