Ce premier travail a le mérite d’une grande lisibilité et d’un ton juste de personnages forts de contrastes. Il témoigne d’une maîtrise sur bien des plans. Repérage, sensibilité et curiosité artistique apparaissent là où la matière et le vivant, la pluie, les vibrations trouvent leurs fils expressifs. Le montage, la photographie pâle, rugueuse et dense servent ce film où chaque plan vient en addition, sans baisse de rythme.
L’ambition d’Alanté Kavaïté est de jouer de cette construction sur plusieurs registres allant du formel thématique, le deuil, la transmission, les relations espace-temps vers le mélange des genres, fantastique, policier, drame passionnel. Ce choix lui assurera une audience assez large et étendue. D’un point de vue artistique, le film en souffre un peu, surtout dans sa deuxième partie. Alors qu’Allanté sait garder une rigueur artistique captivante, la mise en scène des événements dans le compartiment policier du film tourne un peu court. De même, cette écoute du temps est au final d’une lecture trop facile. L’association des sons captés avec leur scène rétrospective en images est très immédiate. Comme si l’auteur avait eu peur que le spectateur se perde, d’où un soin un peu malheureux d’une logique très appliquée.
Le jeu intérieur, déterminé d’Emilie Dequenne, scientifique, est époustouflant et constitue un autre élément déterminant de cohérence. Les autres personnages savent être également pivots, centres de gravité de cette mise en scène soignée qui en établit les liens : Ludmila Mikaël (habitée), Mathieu Démy (regard incisif sur des mystères enfouis), Etienne Chicot (notable chenu), Bruno Flender (noué, voué aux femmes intangibles), Eva Ionesco (troublante vénéneuse). Pas de faux pas dans la direction d’acteurs, la narration, ce qui devient rare dans la production de films qui se veulent elliptiques alors qu’ils sont à court d’idées. Alanté Kavaïté a une marge certaine pour aller plus dans l’ellipse et gagner gagner en force esthétique.