Après s'être attaqué au genre fantastique en 2004 avec Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, Alfonso Cuarón revient en 2006 dans un genre qui lui était jusque là inconnu : La Science Fiction. Ici, il n'est ni question de voitures volantes, ou de technologies révolutionnaires mais bien de guerres civiles, d'attentats, de désepoir, de chaos et d'humanité. La vision futuriste du réalisateur s'avère être un véritable coup de maître, touchant, empreint d'actualité, et furieusement réaliste.
Tout d'abord, l'histoire ( basé sur l'oeuvre de P.D. James) semble être écrite sur le fil du rasoir du début à la fin. En effet, la tension paraît omniprésente et même constitutive de l'univers présenté. Le fil des événements s'enchaîne avec un rythme soutenu sans pour autant renier de nombreux moments de réflexions et d'introspection chez les personnages. Ainsi, les montées d'adrénaline n'en paraissent que plus grandes car l'histoire parvient habilement à faire coïncider action et émotion, humain et animal. De plus, les facettes du héros sont très bien développées, entraînant ainsi un véritable point d'attache entre personnage et spectateurs. L'écriture est donc habile, virevoltant et pourtant lourde de sens, de suspens, de violence (ce qui peut rebuter un spectateur non averti) et de gravité.
En ce qui concerne les acteurs, ils semblent tous avoir trouvés une interprétation très personnelle de leur rôle. Ainsi, les liens tissés entre eux ne semblent que plus véridiques, humains, organiques. En effet, dans ce monde où la déshumanisation oeuvre, chacun des personnages résistants à cette fin du monde semblent être animés par leur espoir d'un lendemain, d'une vie et non d'une survie. Cependant, il est tout de même possible de poser un bémol au niveau du jeu d'acteur de Clive Owen qui malgré son interprétation la plus part du temps incroyable, se rapproche parfois du personnage typique du héros Hollywoodien (silencieux, sombre, secret, haineux...). Mais ceci n'est qu'un menu détails à côté du reste de son jeux colossale, brisant, et mélancolique faisant vite oublier ce petit défaut. Michael Caine quant à lui excelle dans son rôle d'outsider grave et décalé tout comme Julianne Moore dans la peau d'une "ex-maman" activiste, déchirée et radicale.
Par la suite, le parti pris de la mise en scène est proche du reportage d'intervention militaire (surtout sur la fin). Au contact de la mise en image brutale, et mouvementée de ce monde en ruine on ne peut s'empécher de penser à Bagdad ou à d'autres théatres de tragédie. Le réalisateur décide d'opter pour l'ésthétique caméra à l'épaule de manière unique de par un sens du montage sensationnel et transparent (certains plans s'approchent des dix minutes sans que l'on s'aperçoive des changements de caméras et ceci au sens littéral). Tout semble confus, poussiéreux, frénétique, cru sans pour autant être abrutissant. L'une des forces de ce film réside dans cette dialectique entre action déroutante et implication émotionnelle (procédé visible également dans Bloody Sunday de Paul Greengrass).
Pour finir, Children of Men s'avère être une véritable pépite d'écriture et de mise en scène qui déroutera (voire même dérangera) tout de même plus d'un spectateur de par son rythme syncopé, ses épileptiques montées d'hémoglobine et sa noirceur étouffante. A souligner de plus une excellente Bande Original, un travail esthétique remarquablement innovant et une direction d'acteur peu commune. Chapeau Monsieur Cuarón.