Grâce au succès de Robocop, Paul Verhoeven rentre dans la cour des très bons metteurs en scène de films d’action. Cela n’échappe pas à Arnold Schwarzenegger qui lui propose un projet auquel il s’est rattaché alors qu’il traine dans les tiroirs d’Hollywood depuis dix ans (David Cronenberg fut un temps attaché au projet) : Total Recall : Voyage au centre de la mémoire. Cette adaptation de la nouvelle Souvenirs à vendre de Philip K. Dick réussit à la fois à mêler d’un côté la complexité des œuvres de l’écrivain et de l’autre les scènes d’action et l’humour permettant de transformer le film en blockbuster.
Ainsi, Verhoeven joue sur l’interrogation du spectateur ne sachant jamais si l’histoire à laquelle il assiste est la réalité ou n’est que le rêve implanté par la société Rekall.
Par exemple, le jeu des acteurs secondaires (en particulier Sharon Stone et Robert Costanzo) dans les premières séquences et le fait le docteur Edgemar laisse échapper des gouttes de sueurs (détails qui convainc Quaid qu’il est dans la réalité) font penser que ce que nous verrons par la suite est la réalité. A l’inverse, le fait que Melina soit le sosie de la femme proposé par cette société, que tout se déroule comme ce qui est annoncé par l’employé de Rekall, que les hasards soient très nombreux (Benny tombe toujours au bon moment, Melina arrive armée pile au moment où Quaid se fait attaqué par Lori et ses hommes…) laisse penser que la seconde option est la bonne.
La dualité est également exploité par le cinéaste par la multiplication des scènes-miroirs
(2 séquences d’exposition à l’air martien, 2 séquences de lavages de cerveaux, 2 combats contre Lori, Benny sert deux fois de taxi à Quaid, 2 séquences avec les hologrammes, Benny attaque Quaid 2 fois…)
et par le choix de certains personnages
(Quaid a 2 femmes totalement opposées, Kuato est en réalité un être intégré au corps d’un autre...)
.
Toute cette complexité et ce travail cérébral respectent assez l’état d’esprit de l’œuvre de Dick bien que l’histoire ne soit pas totalement la même (ce qui était déjà le cas de Blade runner, autre classique de la science-fiction adapté de l’écrivain). En effet, la première partie du film
(se déroulant sur Terre)
est assez fidèle à Souvenirs à vendre alors que la seconde est totalement inventée
(la nouvelle ne se passait à aucun moment sur Mars)
tout en étant parfaitement logique et cohérente avec l’univers de Dick.
Cependant, cette fidélité à la complexité de l’univers de l’écrivain n’empêche pas Total recall d’être en même temps un véritable blockbuster. En effet, le film est truffé de scènes d’action très rythmées tout en étant parfaitement lisibles (le surdécoupage des années 2000 n’avait pas encore fait ses ravages) et en possédant la patte de Verhoeven, c’est-à-dire ne lésinant pas sur le sang
(il faut voir Schwarzenegger utiliser un cadavre comme bouclier)
. Le cinéaste offre par ailleurs une magnifique mise en scène utilisant de splendides mouvements de caméra. Les effets spéciaux
(la femme se transformant en Schwarzenegger est géniale)
, tout comme les maquillages
(en particulier les mutants comme Kuato)
, sont particulièrement réussis pour une époque où les trucages numériques n’existaient pas encore. De plus, le film contient beaucoup d’humour
(la femme à trois seins, la prostituée naine maniant un couteau en poussant un cri génial puis tirant au fusil mitrailleur…)
et possède les petites phrases qui faisaient la particularité de son acteur principal à cette époque
("Considère ça comme un divorce !", "Qu’est-ce qu’est arrivé au petit cinquième ?", "Vous croyez que je suis le vrai Quaid ? Gagné !", "Non, ne faites pas ça ! On va tous mourir ! Tout le monde va mourir ! Non, non ! – Toi, tu vas mourir !"…)
. De plus, Verhoeven se permet de jouer avec cet aspect blockbuster
(2 séquences d’exposition à l’air martien, 2 séquences de lavages de cerveaux, 2 combats contre Lori, Benny sert deux fois de taxi à Quaid, 2 séquences avec les hologrammes, Benny attaque Quaid 2 fois…)
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, ce qui renforce l’impact du film.
Le casting est également très réussi : Arnold Schwarzenegger est très convaincant dans son habituel rôle de gros bras plein d’humour, Michael Ironside est toujours aussi bon en salopard, Ronny Cox perfectionne son rôle de dirigeant maléfique après Robocop du même Verhoeven, Rachel Ticotin et Sharon Stone sont excellentes en femmes d’action...
Enfin, tout cela est renforcé par la très entrainante et très mémorable partition que Jerry Goldsmith composa pour ce film, retranscrivant parfaitement le fait que nous sommes en présence à la fois d’un film d’action et d’une œuvre de science-fiction.
En résumé, Total recall est un excellent film d’action et de science-fiction ne se prenant pas au sérieux
(2 séquences d’exposition à l’air martien, 2 séquences de lavages de cerveaux, 2 combats contre Lori, Benny sert deux fois de taxi à Quaid, 2 séquences avec les hologrammes, Benny attaque Quaid 2 fois…)
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qui possède la patte de son réalisateur (même si l’ironie et la critique de la société qui était présentes dans Robocop ne sont pas présentes ici) et est sans comparaison avec le médiocre remake de Len Wiseman. A voir et à revoir avec toujours autant de plaisir.