Après « La soif » (1949 : **), il ne faudra attendre qu’un an pour que Bergman se replonge dans le sujet du couple. En effet, le thème principal de « Vers la joie » est bel et bien celui du couple. Dailleur, Il s’y interessera encore dans les années à venir notamment avec « scènes de la vie conjuguale ». « Vers la joie » fait partie des tous premiers films du cinéaste, où celui ci cherche encore ses marques petit à petit. A travers cette analyse, nous tenterons de comprendre en quoi « vers la joie » est un film atypique et expérimental dans la carrière de Bergman.
Ce qui n’est pas surprenant dans l’utilisation de la musique, c’est sa manière, tout simplement, d’être utilisée. En effet, Bergman priviligie la musique interne dans le film, c’est à dire qui est également entendue par les personnages (« Cris et chuchottements », « Sarabande », « le septième sceau »).
Cependant, la musique occupe une place inhabituelle, Une place qu’elle ne retrouvera que dans son dernier film « Sarabande ». La musique est considérée comme un personnage principal qui entre en conflit, dans le coeur de Stig, avec sa propre femme. Ce procédé rapelle le chef d’oeuvre de Buster Keaton « Le mécano de la générale », où celui ci était partagé entre sa passion pour la locomotive et son amante. Pour en revenir à « vers la joie », chaque étape cruciale du couple sera précédée d’une représentation musicale.
■Tout d’abord, dans la première séquence, Stig est interrompu dans sa répétition par l’annonce de la mort de sa femme : c’est le début de ses souvenirs, le point de départ du film.
■La rencontre, entre les deux, se fait également lors d’une répétition, la musique les rassemble et devient ainsi la cause de leur rapprochement à venir.
■Suite à une répétition catastrophique, le couple va annoncer au chef d’orchestre sa volonté de se marier. Ici, la femme triomphe de la musique… Stig va même jusqu’à insulter le chef d’orchestre.
■La déception de Stig qui manque sa chance de devenir un grand musicien, sera par la suite annonciatrice du déclin du couple et le début de sa haine naissante pour sa femme, et ses enfants (pas encore nés).
■La naissance de ses enfants (des faux jumeaux), sera communiquée à Stig pendant sa répétition, le chef d’orchestre se rejouira lui même de cette nouvelle. C’est le seul vrai moment de bonheur où la musique et la femme entrent en harmonie.
■Puis la musique sera également celle qui amenera à la vérité, les secrets de Stig : sa liaison avec une autre femme. En effet, celle ci assistera aux répétitions ce qui sera à l’origine de la naissance de doutes chez sa femme.
■Finalement c’est la musique qui réconfortera Stig après la mort de sa femme et achèvera ainsi le film sur une note joyeuse (référence à hymne à la joie)…
Cette structure et cette construction dans le récit est assez surprenante de la part de Bergman dans ses premières années, mais montre bien les débuts de sa profonde tendresse pour l’abstraction lyrique (Stig absorbe les éléments exterieurs :mariage, mort de sa femme…) et tout cela influence sa manière de jouer de la musique.
D’après Maupassant, il existait deux types de réalistes : le réalisme subjectif; où des événements se produiraient d’une manière réaliste sans aucune explication; et le réalisme psychologique où cette fois l’interet de l’oeuvre porterait sur les explications que l’auteur en fait sur les événements réalistes actuels.
Dans ce Bergman, ce qui surprend d’avantage c’est ce rapprochement du réalisme psychologique dont celui ci s’est toujours tenu écarté. En effet, « persona » est certainement son film qui s’écarte le plus de ce type de réalisme. C’est le monologue du chef d’orchestre qui peut conduire à se poser la question sur le type de réalisme choisi. En observant, on remarque que les sentiments des personnages sont très détaillés et que les événements sont en parti analysés par eux même. La qualité de ce film rendue par l’utilisation de ce réalisme est inévitablement sa compréhension qui permet la scène d’émotion finale. Cependant, il y a comme une perte d’intensité, Le film n’a pas la force marquante des autres Bergman, pas l’impact psychologique de « Sarabande », « Fanny et Alexandre » ou même dans le contexte de l’oeuvre, « La soif ». C’est donc finalement un bien petit Bergman, qualitatif certes mais pas à la hauteur de son réalisateur.
Cette oeuvre de Bergman est donc surprenante de sa part et expérimentale dans la manière dont elle conçoit son réalisme. Bergman montre ici que son talent n’est pas d’expliquer les choses, mais finalement de les filmer telles qu’elles sont. Bergman ne se rapprochera plus jamais autant de ce type de réalisme…
http://vingtquatrefoislaveriteparseconde.wordpress.com/2011/07/07/vers-la-joie-de-ingmar-bergman/