Tony Scott est un honnête faiseur de films, qui retrouve là son producteur de toujours, Jerry Bruckheimer, et son acteur de prédilection, Denzel Washington. Il collabore pour la première fois avec le scénariste Terry Rossio, auteur de "Small Soldiers" ou de la série des "Pirates des Caraïbes". Au delà d'une réalisation efficace, quoiqu'un peu trop clinquante (photographie mordorée, abus de ralentis), l'intérêt du film repose sur un scénario assez habile, basé sur une dimension fantastique ancrée dans une réalité très contextualisée : la Nouvelle-Orléans d'après Katerina et l'Amérique post-11 septembre (même si le terroriste est ici plus proche de Timothy McVeigh, l'auteur de l'attentat d'Oklahoma City).
Ce scénario repose sur un concept aussi vieux que l'idée du voyage dans le temps : tout intervention dans le passé risque de changer le cours des événements, et donc de modifier les conditions qui ont rendu possible le présent.Terry Gilian dans "L'Armée des 12 Singes" avait choisi de répondre par la négative, et on a l'impression jusqu'au dénouement que malgré le charabia pseudo-scientifique sur la courbure du temps, les réalités parallèles finiront par se superposer.
A l'instar de John Anderton dans "Minority Report", Doug Carlin tente de remonter le temps pour empêcher que soit commis un meurtre, ou plutôt des meurtres, puisqu'au-delà de l'attentat qu'il cherche à éviter, il s'implique aussi beaucoup dans la sauvegarde de la jeune femme dont il a forcé l'intimité ; les scènes où les agents du FBI la suivent sur une multitude d'écrans pourraient être signées De Palma, leur voyeurisme n'étant qu'une mise en abime de notre propre statut de spectateur. Notons que le titre Déjà vu est lui-même une fausse piste, puisqu'il ne s'agit pas vraiment de réminiscence, contrairement à ce que laissait entendre la bande-annonce, et encore plus le teaser habilement diffusé dès le mois d'août pour ancrer ces images dans l'inconscient des spectateurs.
Sur un sujet lui-même déjà-vu, Tony Scott a su parfois innover, comme cette poursuite à quatre jours de décalage, un casque permettant au héros de visualiser le déplacement passé du suspect. Il a aussi pompé ses petits camarades, commes ces plans sous-marins de l'explosion du ferry avec des voitures s'enfonçant dans l'eau, et qui évoque furieusement une scène identique dans "La Guerre des Mondes". On pense aussi à "Memento", puisque là encore, on commence par la fin, et qu'à défaut de se tatouer le corps, il utilise des magnets sur un frigo pour se laisser un message à lui-même.
Malgré ces réserves, "Déjà vu" est quand même un thriller habilement ficelé, efficacement réalisé et doté d'une distribution irréprochable. Et puis, comme pour "Sixième Sens" ou "Memento", voilà quelques discussions en perspective à la sortie de la salle sur l'interprétation de ce que chacun aura compris !
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