À l’image de la météo, la production cinématographique de l’été est bien terne. Depuis "El Camino de San Diego" et "Persepolis", je n’ai pas vu un film qui m’ait enthousiasmé, ou même simplement bien plu. Ayant adoré "Amadeus" et bien aimé "Hair" ou "Man on the Moon", je nourrissais quelques espoirs en allant voir "Les Fantômes de Goya". Las, quelle déception !
La première scène du film était pourtant assez prometteuse : des gros plans des estampes de Goya, montrant des visages grotesques, des prêtres avec des oreilles d’âne, des corps suppliciés. Puis on s’aperçoit que ces dessins passent de main en main, au cœur du Saint-Office de l’Inquisition de Madrid. Images soignées, trognes inquiétantes des bourreaux en soutane, jeu nuancé de Michaël Lonsdale, bon début. Puis apparaît Javier Bardem, excellent dans "Mar a Dentro", et caricaturalement risible ici, dans le rôle du faux-cul onctueux. On voit Goya, joué par Stellan Skarsgärd, faire les portraits de la Reine, d’Inès et du frère Lorenzo, puis une très belle scène nous montre le travail de gravure, depuis la plaque jusqu’à l’estampe sortie de la presse. Mais malheureusement, là s’arrête l’intérêt pour l’artiste Goya. S’il reste présent jusqu’à la dernière scène, ce n’est que comme témoin de la petite histoire au sein de la grande histoire, et il aurait été torero ou plombier que cela n’aurait pas beaucoup influé sur le scénario.
Voilà donc Goya réduit au rôle de Fabrice à la bataille de Waterloo, pourquoi pas. Mais le scénario ne tient absolument pas la route, le grand mouvement de l’histoire ne semblant avoir pour seule justification que de mettre les héros face à face, dans une succession de situations feuilletonesques éculées : le prélat retors qui empoche l’argent et maintient l’innocente héroïne dans un cul-de-basse-fosse, le moine qui viole la pauvre enfant au milieu d’une prière, le même devenu dignitaire français qui promet de s’occuper d’Inès/Adèle H et qui la fait enfermer…
On retrouve la même lourdeur dans la peinture sans nuance de l’Espagne des années 1800 : les prêtres sont tous fourbes et cruels, les Français dépeints comme un avant-goût de la division Das Reich. On peut comprendre qu’un réalisateur ayant grandi dans la Tchécoslovaquie socialiste ait voulu dénoncer le décalage entre le discours idéaliste et la pratique policière, mais était-il nécessaire que chaque exécution sommaire soit précédée d’une évocation de la Déclaration des Droits de l’Homme ? Ce manichéisme démonstratif est symbolisé par la répétition de la même argumentation aux procès du chef du Saint-Office par Lorenzo, puis à la Restauration, celui de l’ancien procureur par l’ancien accusé, histoire de montrer que les régimes passent, mais que le fanatisme a la vie dure.
Et puis, on a la désagréable impression que Forman se raccroche à son propre passé, recopiant platement de nombreuses scènes d’"Amadeus" : exactement le même traveling avant/arrière dans le couloir de l’asile que pour l’arrivée du prêtre venu écouter la confession de Salieri, ou l’attitude débonnaire du Roi fâché du portrait de son épouse et qui massacre un air au violon, réplique évidente de l’accueil de Mozart par l’Empereur qui pioche pour jouer au piano l’air composé par Salieri.
Il y a bien quelques scènes qui nous rappellent que Forman a été un grand réalisateur, comme le plan final où des enfants font la ronde autour de la charrette transportant le cadavre supplicié. Il y a aussi Natalie Portman, qui réussit à donner vie à trois personnages aussi outrageusement romanesques : Inès à peine sortie de l’innocence de l’enfance, la même clochardisée et devenue folle à la sortie de sa geôle, et sa fille Alicia, fille de joie indomptable. C’est clair, la petite Matilda a bien grandi, et c’est la seule bonne nouvelle de ce mélo d’un académisme pompeux.
http://www.critiquesclunysiennes.com