Fabrice n'est pas un fan de Johnny Hallyday. Non, il est le fan-étalon : il a une collection d'objets qui occupe une pièce entière de son pavillon, il a prénommé sa fille Laura, et connaît la biographie de son idole sur le bout des doigts. Alors, quand un soir un peu trop arrosé, il beugle du Johnny sous les fenêtres d'une brute, et qu'en réponse à son "Ta gueule !!!" il entonne "Quoi, ma gueule ?", rien d'étonnant à ce qu'il se retrouve à l'hosto. Sauf qu'à son réveil, personne ne connaît Johnny. Sa collection est devenue un musée de la canette de bière, sa fille se prénomme Marion, et l'idole des Français est un certain Chris Summer, une sorte de Jojo sans la légende. Il a l'idée de rechercher les Jean-Philippe Smet, mais s'il en trouve de tous les gabarits et de toutes les couleurs, aucun n'est celui qu'il cherche. Jusqu'à ce qu'il tombe par hasard sur le bon, devenu patron d'un bowling minable baptisé "L'Olympia".
Après un premier contact peu convaincant, Fabrice réussit à le persuader de le prendre comme manager, ou plutôt comme coach, avec une mission : transformer Jean-Philippe en Johnny, en le relookant de la coiffure au répertoire, en passant par les costumes de scène...
Dans un monde (le cinéma) où on peut entrer dans la peau de John Malkovitch en se glissant au fond du septième étage et demi, où un porte-avion peut être projeté cinquante ans en arrière par la seule grâce d'un orage magnétique, et où quelques bombinettes chiraquiennes suffisent à réveiller un tyrannosaure géant, pourquoi ne pas faire disparaître le dinosaure de la chanson française ? L'idée de base est excellente, ainsi bien sûr que celle de faire appel à Johnny pour jouer celui qui n'a pas été l'idole des jeunes. Mais souvent dans ce genre de film, la difficulté réside dans l'impossiblité à faire vivre la bonne idée sur la toute la durée d'un long-métrage. Et en voyant la bande-annonce qui résume parfaitement cette situation en deux minutes, ma crainte s'était renforcée.
Mais progressivement, et heureusement, le scénario se complexifie, introduisant des surprises malgré quelques clichés de rigueur (les réactions familiales, de l'incompréhension de l'épouse déjà vue dans "Podium", ou le rejet de la fille adolescente qui se transforme en admiration, remake du "Placard"...). Il y a même de beaux moments, comme la première fois où Jean-Philippe chante "Quelque chose de Tennessee" devant un Fabrice stupéfait de cette première interprétation tellement... Johnny.
Malheureusement, le dernier tiers du film ne tient pas les promesses du début, et non seulement le spectateur n'est plus surpris, mais surtout il peut légitimement être agacé par la prévisibilité du scénario et la platitude de la réalisation, et même la chute finale, encore une bonne idée, est gâchée par une emphase qui frise la boursoufflure...
Le film repose bien sûr aussi sur les prestation de Fabrice Lucchini et de Johnny Hallyday. Le premier est plutôt dans la retenue par rapport à ce qu'il a déjà fait, et cela donne plus d'explosivité à ses moments de rupture. Le second est dans un registre plus proche de "L'homme du Train" que de "Allumer le feu", ce qui correspond à ce personnage d'homme passé à côté de sa vie. A signaler un cross over avec "Podium", nous valant un nouveau récital de Benoît Poelvoorde qui concurrence Lucchini, ou l'apparition de Jean-Claude Camus dans le rôle de Jean-Claude Camus. Victime d'une volonté de plaire au plus grand nombre, ce film au propos inventif ne va pas au bout de son audace, et laisse donc un goût d'inachevé.
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