Une mise au point pour commencer : quand un homme attaque « le système qui l'a créé », il oublie souvent qu'il a aussi créé – ou tout au moins entretenu – ce système. Du coup sa démarche perd beaucoup de sa valeur critique. Cette mise au point étant faite, et en attendant d'y revenir, passons au film. Satire violence du milieu de la publicité, de ses coutumes, de la violence psychologique permanente qui y règne, et biographie "trash" d'un publicitaire "destroy", "99 francs" est tout cela. Mais, si le cinéma se prête assez bien au jeu de la biographie, il n'est peut-être pas l'arme la plus adaptée à la satire. Et à coup sûr, la brusquerie et le manque de finesse du cinéma à la Jan Kounen, fait de vitesse, de montages au hachoir, d'images subliminales et de couleurs vives (ce qui donne une biographie fragmentée, pourquoi pas) n'est qu'un grand coup d'épée dans l'eau, car il adopte les codes de la publicité elle-même (pas étonnant si ce réalisateur a « fait ses armes » dans ce domaine). Tout le film, sous un mince vernis « critique », marque une nette fascination pour ce milieu, son culte de la vitesse, sa « branchitude », sa « créativité ». Si le personnage de Jean-Christian Gagnant est ridiculisé, ce n'est pas parce qu'il représenterait une alternative crédible à une société ultra-publicitaire, mais parce qu'il incarne la ringardise absolue – comme tout individu de plus de trente-cinq ans pour une certaine frange du cinéma français. Surtout, l'imposture première de la publicité (celle qui veut qu'elle soit un art) n'est jamais débusquée : les publicitaires de Ross & Witchcraft, au contraire, sont ouvertement présentés comme des artistes et des sorciers.
À partir de là, le film perd de sa force. Ce n'est pas son scénario, quasi-inexistant, qui sauve la mise. Ce n'est pas non plus la réalisation, trop marquée par l'esthétique publicitaire pour tenir sur la durée. Les acteurs sont corrects, bien sûr, mais quel acteur n'est pas au minimum correct lorsqu'il s'agit d'interpréter des personnages totalement caricaturaux ? Bien sûr, il y a quelques bonnes idées – les fausses publicités, l'irruption d'Octave dans l'univers aseptisé « Groobad-Kinder », l'épisode du hamster –, mais trop clairsemées, et desservies par d'autres passages d'une lourdeur incroyable. Sans parler de la « double fin » possible : ou comment « meubler » vingt minutes de film sous couvert, là encore, de critique. Dans "99 francs", donc, il y a beaucoup de creux, et un emballage tape-à-l'œil et m'as-tu-vu pour l'enrober ; c'est valable pour Octave Parrango comme pour Jan Kounen : on ne se moque pas efficacement d'un ennemi dont on emprunte les propores armes.