Comme tous les grands réalisateurs, Clint Eastwood s'est essayé au genre du film de guerre. Etant une fan inconditionnelle de l'acteur et bien entendu du réalisateur, je m'attendais à un film très émouvant et qui allait me transporter. Au final, je n'ai pas ressenti autant d'émotion que dans ses autres films et pourtant Mémoires de nos pères possède énormément de qualité et traite d'un sujet qui a été très peu abordé par l'industrie cinématographique.
Il faut d'abord saluer l'originalité de l'histoire, car si nombre de réalisateurs ont fait le choix de parler de la seconde guerre mondiale uniquement à travers le prisme du conflit européen, Clint Eastwood s'est intéressé à l'affrontement entre les Etats-Unis et le Japon. Si déjà en cela, le réalisateur a fait un choix audacieux, il est allé encore plus loin en braquant les projecteurs sur un épisode très bref de la guerre : la conquête de l'île d'Iwo Jima et plus précisément les premières heures de la bataille, durant lesquelles des soldats américains ont réussi à hisser le drapeau des Etats-Unis sur une montagne de cette île. Cet épisode particulièrement bref est le cœur de cette histoire, car un photographe américain a capturé ce moment, au travers d'une photo qui a fait le tour de la planète et qui a permis au gouvernement américain de lancer une grande campagne de propagande. Pour Clint Eastwood, cette photo est la base du film et pousse le spectateur à s'interroger sur l'importance de l'image lors d'un conflit et plus particulièrement sur l'impact que peut avoir une photo sur le moral collectif.
Mémoires de nos pères nous raconte un moment clé de la guerre contre le Japon. Il s'agit non seulement d'un épisode très important de la guerre, car en faisant tomber l'île d'Iwo Jima, les américains prennent un avantage décisif sur l'ennemi, mais c'est aussi un moment capital aux Etats-Unis alors que le pays commence à être à bout de souffle après avoir fourni un effort de guerre historique et alors qu'on ne compte plus les morts tombés sur le champs de bataille européens. C'est donc dans un contexte particulier, que 6 jeunes soldats américains vont être photographiés en train de hisser le drapeau des Etats Unis. Cette photo est utilisé comme un outil de propagande pour montrer aux américains qu'ils sont en train de gagner la guerre et qu'ils doivent réaliser encore un petit effort et acheter des bons émis par le gouvernement pour remplir les caisses du pays. Pour jouer sur l'impact émotionnel de cette photo et pour inciter les citoyens à acheter des bons, le gouvernement fait revenir au pays les soldats toujours en vie qui sont présents sur cette photo et leur demande de faire une tournée dans tout le pays pour demander aux citoyens d'acheter des bons. Mais pour les trois survivants de la photo qui sont rappelés au pays, rien n'est simple car ils sont hantés par leurs souvenirs.
L'histoire est donc véritablement passionnante, elle est d'autant plus réussie qu'elle est servie par des acteurs d'une très grande justesse avec Ryan Phillippe dans le rôle de Doc Bradley, Adam Beach poignant dans le rôle d'Ira Hayes, Neal McDonough, Paul Walker, mais aussi l'inimitable John Slattery. Le scénario est vivant et très bien pensé, quant à la réalisation on est dans du pur Eastwood, qui aime comme toujours prendre son temps pour nous montrer chaque détail.
Alors oui Mémoires de nos pères est très certainement un des derniers films sur la seconde guerre mondiale qui apporte un éclairage nouveau et qui ne se perd dans un pathos et dans un patriotisme exacerbé. Pourtant, ce film possède bien quelques défauts. A commencer par sa construction, je regrette que Clint Eastwood se soit laisser prendre au jeu d'un procéder devenu tellement banal, celui de prendre de vieux acteurs qui racontent leurs souvenirs à travers des flashbacks. Ces allés et retours incessants entre la bataille d'Iwo Jima, la tournée aux Etats-Unis et le présent n'apportent rien au film et je dirai même plus donnent l'impression que le réalisateur s'est laissé emporté par la facilité. Cela rend également le film moins vivant et moins rythmé, ce qui est très dommageable au vue de la qualité de l'histoire racontée.