50 ans, huissier de justice, le cœur et le sourire fatigués, Jean-Claude Delsart a depuis longtemps abandonné l'idée que la vie pouvait lui offrir des cadeaux. Son père n'est guère plus qu'un vieil irascible, grincheux et insupportable. Son fils, décide malgré lui de suivre les traces de son père, vers une destiné, où son paternelle, à d’ores et déjà mortifié son corps et ruiné son esprit. Jusqu'au jour où il s'autorise à pousser la porte d'un cours de tango... Stéphane Brizé, grand cinéaste en devenir, réserve ici sa caméra à une œuvre, rudement bien équilibrée entre comédie grinçante et drame intimiste. Patrick Chesnais, acteur sous-utilisé, y trouve sans conteste le rôle de sa vie ; comme on se l'imagine aisément, sa frimousse de chien battu, combinée au ton de son jeu, tout en pudeur et en retenu, fait de réelles merveille. L'histoire de ce quinquagénaire, posant un regard sur sa vie, est remarquablement amenée. Patrick Chesnais, dans son rôle de Droopy flegmatique, blessée par la vie, et les désillusions qui l'accompagnent, est poignant. Stéphane Brizé et sa pléiade de comédiens géniaux, peuvent apparaître ici tels des fossoyeurs morbides, clouant joyeusement le cercueil des dialogues chocs, incisifs et raffinés façon Michel Audiard. Mais il est important de souligner le mot d'ordre de ce long-métrage, en d'autres termes, le réalisme percutant et criant de vérité. "Je ne suis pas là pour être aimé" tire sa discrète, mais puissante force, de l'aspect lucide et spontané de chaque séquence, dans lesquelles, entre autres, n'ayant rien à se dire, père et fils tergiversent non trop longuement sur des sujets absurdes et vide de sens, entre deux interminables blancs, silences et regards qui en disent long. Au même titre que sa tonalité dramatique, le côté humoristique offre, lui-aussi, un comique décalé et mordant. Le réalisateur ne comment pas l'erreur de sombrer dans le sentimentalisme, et pathos exacerbé. Un film délicat, nuancé et émouvant à voire absolument.