Videodrome c'est de loin le film le plus complexe de Cronenberg. L'histoire en très bref : un type tient une chaîne de télé montrant des images allant du porno soft, jusqu'à la violence hard par simple but "économique", comme il le dit sur un plateau télé, il propose des émissions que l'on ne voit pas ailleurs, des émissions étant un exutoire aux fantasmes et aux frustrations des gens. À la recherche de nouvelles émissions, il tombe sur une cassette pirate s'appelant Videodrome, qui montre des jeunes femmes subissant des tortures physiques comme sexuelles. Et très vite il commence à percevoir des sortes d'hallucination, le plongeant de plus en plus dans la folie.
Ces hallucinations donnent évidemment des moments très étranges et viscéraux, déjà de par ce qu'elles montrent forcément (je préfère ne pas en dire plus), mais aussi car le rendu à l'image est particulièrement impressionnant, Rick Baker en est pour beaucoup. Son travail au niveau make up (appelez ça comme vous le voulez) est superbe. Que ce soit sur des objets prenant vie, le ventre de Max (le "heros") se transformant en un espèce de vagin, la cassette devenue vivante s'y insérant, ou un flingue directement sortit de cette organe féminin qui fusionne avec le bras de Max.... Voilà un peu l'ambiance. Ils se sont bien trouvé ces deux la en tout cas, leur amour commun pour les dégueulasseries est évident. Et puis Cronenberg joue aussi très bien sûr les changements de couleurs au gré de ces hallucinations, ou des moments réels.
Le personnage principal, incarné par un excellent James Woods nous interroge sur nos pulsions les plus sombres, celles que l'on ne veut pas s'avouer, celles qu'on ne connaît pas même. Le plaisir de voyeurisme aussi, à regarder cette violence, ou y participer. Comme il le fait dans des parties de jeu sadomasochiste avec la belle Nicky notamment, qui elle, assume d'être à fond dans ses délires là. Il nous interpelle aussi sur notre capacité à différencier le réel du faux. Est ce que Videodrome (la cassette) est mis en scène, ou est ce que c'est pour de vrai ? Ce qui est sûr c'est que cette cassette provenant de Pittsburgh fascine le personnage autant que le Videodrome de Cronenberg nous fascine en tant que spectateur.
C'est vrai que sa narration peut sembler un peu bancale, ou nous faire éprouver la sensation qu'il nous manque quelque chose. Mais je pense sincèrement que c'était l'effet voulu par Cronenberg, en plaçant son récit du seul point de vue du directeur de la chaîne de télé. De mon côté cela a rendu le film d'autant plus captivant. Surtout qu'il est déjà doté d'une atmosphère particulièrement étrange et obscur, nous plongeant dans une paranoïa, grace notamment à un travail impeccable de Howard Shore à la BO.
Le scénario est vraiment couillu, car il peut vite nous laisser de côté. Il part dans un délire innatendu, à base de théorie du complot (SPOILER) : les gens étant derrière ses cassettes provoquant des hallucinations, serait en fait des personnes bossant pour le compte de politiciens ou je ne sais quoi. Mais le type à la base de ces théories étant lui même "virtuel", on ne peut être sûr de rien. C'est à l'interprétation de chacun. C'est de toute façon la ligne directrice du film, flirtant sans cesse entre réalité ou illusion. On peut clairement faire un rapprochement avec quelque chose de Lynchéen.
Et puis le David se permet même des petits discours sur l'ultra présence de la technologie, la télévision en particulier, son emprise sur nous, le rapport de l'homme à l'image, à la violence, la violence retransmise par les médias et tout le bazar.
Et tout ça en 90 minutes, oui oui, 1h30.