Ça s'appelle Henry et June, mais ça pourrait tout aussi bien être titré "Henry, June, Anaïs, Hugo, Eduardo et les autres". Libertin et osé mais pas trop, le film a accéléré la création de la classification NC-17 au lieu de X aux États-Unis. Officiellement, la raison en était une photographie (une seule) de hentaï japonais ; un détail à côté des multiples scènes érotiques, mais elles-mêmes sont modérées par rapport à l'exploration de la perversité morale que fait le film.
Révélant une Uma Thurman qu'il fallait être un génie de casting pour pressentir justement dans ce rôle, l'œuvre ne prend pourtant pas la bonne voie tout de suite. Maria de Medeiros est longtemps distante, inatteignable derrière sa voix fluette cachant une prétendue force qu'on ne voit pas. Pour cause d'ailleurs, il lui reste tous les tourments à traverser que le film lui réserve.
Cette volonté de faire d'elle une chrysalide est un tort qui pèsera longtemps sur le film. On a exclu le personnage du titre pour lui donner un objectif, mais en fait il faudra beaucoup affaiblir les autres pour lui permettre de réaliser ce qui ne sera finalement pas la prouesse qu'on lui voulait voir accomplir.
Néanmoins c'est fait, et Thurman est là pour assumer toute l'horreur du caractère humain justifiant la curiosité morbide et charnelle qui se devait de sous-tendre le film. La "stupréfaction" du Paris d'avant-guerre devient l'épreuve insane que plusieurs adultes doivent surpasser pour enfin se considérer comme tels, et là on renoue avec le propos littéraire. Hélas : on en restera là.
On en restera là : une petite phrase qu'on pourrait dire de bien des aspects couverts par Kaufman. On reconnaît bien L'Insoutenable Légèreté de l'être, mais les scènes érotiques d'Henry et June sont gênantes, et pas pour leur contenu : plutôt parce que Kaufman semble ne pas oser aller trop loin, comme s'il avait eu peur de la classification X, et cela rend son tournage souvent maladroit, superficiel mais quand même presque vulgaire.
Il a voulu recréer un style qu'il avait su maîtriser, mais les deux films sont géopolitiquement des coquilles vides ; Henry et June, en plus, est troué et prend l'eau. Il faut cependant lui retenir un mérite similaire, atteint par le même mélange de licence et de survolement : pendant plus de deux heures, on entrevoit ce qu'aurait été la Libération sexuelle des années 30 si la guerre n'était pas survenue. On voyage bel et bien dans un univers parallèle et c'est une belle chose en soi.
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