« Moi vivant, on travaillera jamais au chalumeau, ça me fout le bourdon, ça me rappelle l’usine. »
« Pas maladroite votre proposition. Francis et moi on fournirait l’outillage, la voiture, la technique, dix années d’expérience et vous viendriez, au charme, nous sucrer un tiers des bénéfices. »
Albert Simonin (trilogie du Grisbi) et Michel Audiard ont travaillé sur 13 scénarios ensemble, depuis Courte Tête (Norbert Carbonnaux, 1956) jusqu’au Pacha (Georges Lautner, 1968), enchaînant quelques succès devenus cultes. Nombreux sont les thèmes qui parsèment ainsi leurs œuvres communes : le monde des gangsters, l’argot, l’exaltation des milieux populaires et festifs parisiens, le passéisme mais aussi la loyauté et l’amitié fraternelle. Inutile de préciser qu’un tel univers, par ailleurs bien ancré dans son époque, est aussi particulièrement misogyne, homophobe et raciste, l’image d’une société figée qui ne tardera pas à voler en éclat à partir de leur dernière collaboration. Derrière la caméra, Jacques Poitrenaud, qui connaîtra un certain succès avec Ce Sacré Grand-Père (1968) réunissant Michel Simon et Serge Gainsbourg dans une scène mythique, est un peu tombé dans l’oubli malgré ses comédies réunissant la fine fleur des rigolos de l’époque (Francis Blanche, Michel Serrault, etc.)
La distribution, elle, réunit Dany Carrel qui sort de son image de jeune fille rangée, Louis de Funès qui poursuit sa montée vers le panthéon du comique populaire entamée avec Ni Vu, Ni Connu (Yves Robert, 1958), Maurice Biraud et Jean Lefèbvre, fidèles d’Audiard, Dany Saval dont c’est la quatrième collaboration avec Poitrenaud et toute une série de seconds rôles très en vue à cette époque, tels que Dora Doll, Maria Pacôme, Claude Piéplu, Jacques Legras, etc.
La première chose qui frappe dans ce film, dès le tout début, c’est la justesse d’interprétation de Louis de Funès, qui n’en fait pas des caisses lorsqu’il doit déclamer les tirades audiardesques. En roue libre, hélas, on le retrouve tel qu’on le connaît. Puisque nous sommes dans l’interprétation, pointons aussi l’insupportable tendance de Dora Doll à jouer systématiquement à côté, pas aidée, il faut bien le dire, par un montage approximatif et une post-synchronisation pas très nette, notamment dans la scène du restaurant où elle finit par être filmée de dos. La caméra d’ailleurs, malgré quelques audaces visuelles (des contre-plongées et une incrustation avertissement bien amusante) vite enterrées, se contente globalement de plans banals dans la plus grande tradition du théâtre filmé, un comble pour un scénario original adapté d’un roman (Les Heures Ouvrables, premier roman de Francis Ryck, 1963).
Au rayon des bonnes surprises, outre les moments posés de de Funès, notons la précision des scènes de coffres-forts
et du casse final, quasi melvinienne
, le côté attachant du couple Biraud/de Funès, unique en tête d’affiche, et le jeu de Dany Saval, certes surjoué comme pour les autres interprètes, mais aussi plein de fraîcheur et de fausse ingénuité, voire carrément pinçant dans son imitation de Marcel/de Funès fracturant un coffre. Son personnage, qui préfigure en plus solide celui qu’incarnera Mireille Darc avec le duo Lautner/Audiard, est d’ailleurs l’incontestable plus de cette oeuvre : son rôle de souris qui donne son titre au film, rare rôle féminin de prime importance qui ne soit pas amoureuse ou mariée ou maman ou putain dans ces années, c’est rarissime. On pointera aussi la musique, originale et pas trop parasite, enlevée parfois, une des premières pour le cinéma signée Michel Colombier, éclectique compositeur et pionnier de la musique électronique, accompagné du rarissime Guy Béart dans cet exercice.
Au final, si on parvient à s’habituer à l’interprétation exagérée, héritière des années ’50, et si on fait abstraction de la réalisation banale, on se retrouve devant une comédie fort agréable et riche en rebondissements, avec le clin d’oeil de Dany Carrel en guise de conclusion. Un film injustement sous-évalué.