J'aime bien écouter des interviews de Jean-Luc Godard, parce que j'apprends des choses, parce qu'il est passionnant et parce que j'en découvre de nouveaux et c'est bien entendu le cas de ce Détour. Il en parlait comme d'un film axé sur le temps plus que sur l'étendue (reste à savoir ce que ça veut réellement dire) et moi j'aime le temps, voir le temps, sentir le temps. Bien évidemment on est loin des longues séquences où des personnages s'ennuient dans certains films et où le temps reprend tout son sens, mais tout de même. Le film se passe dans un laps de temps très réduit, quelque chose comme 48h, et plutôt que d'aller en ligne droite vers son but, il se permet un détour (d'où le titre) et nous raconte ce qui se passe durant ce petit détour. Parce que ici, contrairement à d'autres films, tout reste dans des proportions assez réalistes, la médiocrité des personnages, l'impossibilité de faire quelque chose de réellement fou...
Je vois très bien ce film réalisé par quelqu'un d'autre où justement le héros décide d'endosser sans rechigner l'identité d'un mort pour toucher un héritage sans penser à tout ce qu'il ne sait pas sur le défunt pour maintenir l'illusion avant de se faire démasquer. Ici ce n'est pas le cas, c'est bien plus banal, bien plus tragique et finalement bien plus triste, parce que type n'est pas quelqu'un de mauvais, ni même mu par de mauvaises intentions, il cherche juste à sauver sa peau par rapport à un mauvais concours de circonstances, il ne veut même pas en profiter...
Au mauvais endroit, au mauvais moment...
J'aime le côté extrêmement abrupte de la fin, on est habité à des productions où il y aurait plus, mais là non, il n'y a pas plus, tout se conclut très rapidement (le film dure à pleine plus d'une heure), cette fin qui, d'ailleurs, malgré la censure arrive à un peu plus subtile et permet de laisser planer le doute sur ce que l'on voit, simple illustration du discours du héros, ou réalité ?
Et le paradoxe est là dans le film, on a un film qui prend le temps de nous raconter l'histoire d'amour du héros en détail au début du film alors qu'en vrai on n'avait pas besoin de la voir, savoir qu'il allait à L.A. juste pour retrouver sa poule rêvant d'être artiste ça suffisait, on discute plus de ce qu'il faudrait faire qu'à réellement faire quelque chose, parce durant tout le film, personne ne fait rien du tout, si ce n'est rouler, aller manger et discuter et pourtant on a une sensation de vitesse, de précipitation qui semble quelque peu contradictoire.
Je pense que se sont les conditions de production qui ont rendu ça possible, il fallait tourner vite, donc peu de scènes, dans peu de décors différents et c'est ce qui donne au film, son petit goût unique de série B bien sympathique qui fait vraiment plaisir à voir, parce qu'on a pas été pris pour un con car le film propose réellement du cinéma.