Je l’avais vu à sa sortie et avais été déçu d’être passé à côté parce que très fatigué. Il faut à tout prix éviter d’avoir eu une journée physiquement épuisante pour regarder un Tarantino de plus de deux heures. En résumé, je n’étais pas dans les meilleures conditions pour appréhender un Tarantino. Jusque là, c’était pour moi un sans faute. Puis aujourd’hui, je saisis l’occasion d’emprunter un Blu Ray et choc, comme une première fois, sur mon grand écran et en surround. Encore un Tarantino qui se mérite parce que je veux bien comprendre que certaines séquences qui s’étirent en raison de dialogues fleuves peuvent décourager ou faire décrocher. La scène de l’auberge est tout bonnement royale. Quelle intensité, quelle direction d’acteurs. Je l'ai toujours dit, Quentin Tarantino est un vrai directeur d’acteurs au même titre qu’un Roman Polanski, un Wes Anderson ou un Woody Allen ; les acteurs sortent de leur zone de confort. Dans cette longue séquence, la tension est palpable à chaque seconde qui défile, on perçoit l’impatience contenue de Michael Fassbender en lieutenant Archie, le jeu tout en soie de Diane Kruger en Bridget Von Hammersmark ; l’importance du son est aussi à mentionner quand Hugo Stiglitz (Til Schweiger) se remémore les coups de fouets reçus dans son dos puis le claquement du fouet devient une frappe « amicale » sur sa poitrine comme pour le sortir de ses pensées. Ça fourmille de détails, avec Tarantino, il n’y a rien de superflu dans sa mise en scène, dans ces lignes de dialogues qui s’éternisent. Des dialogues à degrés ; la banalité monte graduellement vers la gravité ; l’amabilité monte graduellement vers l’horreur, le tout ponctué de petites touches d’humour. L’horreur n’est pas nécessairement dans l’action hystérique, elle est aussi feutrée comme la scène du restaurant ; Shosanna, (Mélanie Laurent) s’entretenant avec son bourreau, celui responsable du massacre de sa famille, le chasseur de juifs, l’impeccable Christoph Waltz en colonel Hans Landa ; tous deux dégustent des strudels. Juste un peu avant, elle s’entretenait malgré elle avec un petit panier garni de nazis dont Goebels ! Puis quand Landa la quitte, un plan fugace sur Shosanna, comme une ponctuation pour apposer le point final de la séquence : une respiration soudaine, nerveuse de Shosanna. On comprend qu’elle était en apnée tout le long de cette scène malaisante. Le spectateur que je suis, ne peut s’empêcher de reprendre aussi son souffle. « Inglourious Basterds » est un défouloir jouissif. N’avons-nous pas dit ou penser à un moment donné de notre vie après avoir été agressé verbalement ou après vu des images qui nous indignent : « Ah j’aimerais bien agir comme dans les films, avoir de la répartie, donner des baffes comme Belmondo ; prendre le type par les narines comme Depardieu dans « la chèvre » ; comme j’aimerais lui p***** la g****** » Ça ne fait pas de nous des violents pour autant. Il en est de même pour Tarantino. Tarantino, comme plus tard avec « Once Upon a Time… in Hollywood », s’arrange avec la grande Histoire. Un fantasme assumé, bien écrit, bien réalisé et bien interprété. Ca fait du bien, inutile de prendre le film au premier degré. Ravi de l'avoir (re)vu, j'ai l'impression de l'avoir réhabilité. J'ai surtout réparé une injustice ! A voir en V.O si possible.