Miss Montigny est le premier long de fiction de Miel van Hoogenbemt, qui n'est pas un débutant puisqu'il a déjà réalisé une quinzaine de documentaires et plus de cent épisodes de la série Witterkerke, très populaire en Belgique néerlandophone. Dans Miss Montigny, il prolonge, par la fiction, des réflexions engagées dans le cadre du documentaire : il avait en effet consacré un de ses films à une élection de Miss en Belgique (Miss in Dreams, 2002) et d'autres à des familles belges, qui comme Sandrine et sa mère, sont en difficulté financière (Un jour ou l'autre en 1994, Demain est un autre jour en 1999).
La personne qui a proposé à Ariane Ascaride de jouer le rôle de la mère est... Ariane Ascaride elle-même ! L'actrice faisait en effet partie du comité de lecture qui a décerné au film l'avance sur recettes. Séduite par cette histoire et ce personnage de mère (d'origine italienne, comme elle), elle a téléphoné au réalisateur pour lui faire part de son envie de jouer ce rôle.
Documentariste chevronné, Miel van Hoogenbemt explique ce que la fiction lui apporte : "La fiction permet d'explorer des facettes que je n'ai jamais pu aborder pour des raisons éthiques dans mes documentaires (travail au noir, sentiments, relations familiales...)." Il n'en reste pas moins que le scénario est nourri par certaines expériences du cinéaste : "L'histoire est basée en grande partie sur la réalité : pendant les repérages de Miss In dreams, j'ai pu rencontrer effectivement des jeunes filles qui pensaient qu'un titre de Miss Schaerbeek allait changer leur vie : faire de la bonne publicité pour leur salon de beauté, commencer une carrière de comédienne ou de mannequin, ou simplement, "être quelqu'un un jour". Les parents partagent souvent le rêve de leurs enfants et les encouragent activement à participer (...) Beaucoup de personnages du film sont inspirés par des personnes existantes : Marc Rivière, le crooner de la commune, M. Devos l'échevin organisateur, Catherine, la prof de gym...
Miss Montigny est aussi un film sur la relation parents/enfants, cette partie du film étant un peu inspirée de la vie de la scénariste, Gabrielle Borile. Il s'agit, explique le réalisateur, d'une histoire "cruelle mais aussi très humaine d'une relation entre fille/mère et père. Tous trois victimes d'une réalité sociale mais sans être caricaturaux." Il ajoute : "Miss Montigny aborde la relation très fusionnelle entre une maman et sa fille. Le père existe, mais il s'est retiré dans son monde, en perdant son travail, il a perdu, à ses yeux, sa raison d'être. Anna refuse cette situation et ne veut pas montrer à l'extérieur les problèmes financiers que rencontre sa famille. Elle reste coquette et très fière."
Le cinéaste donne son point de vue sur le comportement de la mère, qui pousse sa fille à participer au concours : "Elle souhaite un meilleur avenir pour sa fille, Sandrine, et projette son rêve et ses ambitions sur elle. Anna agit comme beaucoup de parents qui veulent que leurs enfants construisent une meilleure vie qu'eux... Et donc beaucoup de jeunes adultes perdent ainsi leurs propres ambitions, leurs propres rêves en suivant les bons conseils de leurs parents (faire l'université, obtenir un "diplome"). Même si cela part de bons sentiments, extrêmement humains, personnellement, je trouve horrible qu'en devenant "adulte", nous perdions nos rêves de jeunesse. C'est pour cela que j'ai un très grand respect pour toutes ces jeunes filles que j'ai suivies lors du tournage de Miss in Dreams, comme j'ai un très grand respect pour Sandrine, qui résiste à la fin."
L'intention du cinéaste était de brosser un portrait à la fois réaliste et émouvant de familles issues d'un milieu défavorisé, dans la tradition d'un certain cinéma britannique. C'est pourquoi (grâce à la coproduction), il a fait appel pour l'image au chef-opérateur anglais Nigel Willoughby, qui a travaillé avec Ken Loach (il a été cadreur sur Hidden Agenda et Land and Freedom et chef-opérateur sur le segment de 11'09'01: September 11) ou Peter Mullan (il a été chef-op' sur The Magdalene sisters).
Miel van Hoogenbemt a demandé à la célèbre chanteuse flamande Axelle Red de composer des morceaux pour son film. Au départ, il lui avait même proposé de signer toute la musique du film, mais la chanteuse ne s'en est pas sentie capable. Elle a finalement écrit Je pense à toi, qui était alors inédit et qui a depuis figuré sur son best of French Soul paru en 2004, ainsi que la chanson du générique de fin Le Temps des Barbies. "Je voulais travailler avec Axelle, parce qu'elle a fait des chansons populaires, mais toujours avec un contenu qui sait émouvoir son audience", précise le cinéaste. "Et puis cela m'enchantait qu'Axelle et moi, deux Néerlandophones, travaillions ensemble en français..."
La musique du film est signée Harry Escott et Molly Nyman. Ce nom n'est pas inconnu des amateurs de BO : la jeune femme (qui a travaillé entre autres sur The Road to Guantanamo) est la fille du grand compositeur Michael Nyman à qui on doit des dizaines de partitions, dont celles de La Leçon de piano et des films de Peter Greenaway.