"Je suis une pétasse". Ainsi commençait le roman de Lolita Pille, dont a été adapté le film, et qui co-signe d'ailleurs le scénario. Hell est donc une pétasse de la jet set. Fille de parents absents, elle occupe son ennui entre fêtes décadentes, boîtes de nuit, coucheries d'un soir, cocaïne et alcool. Quand le médecin qu'elle consulte pour avorter lui demande ce qu'en pense le père, elle répond "Lequel ?" Mais sous son ennui pointe aussi un mal de vivre qui peut se transformer en rage.
Elle rencontre Andrea, lui aussi précédé d'une sulfureuse réputation. Entre eux deux, c'est le coup de foudre, et ils s'entrainent mutuellement dans une lente déchéance, de son immense appartement aux salles des ventes, en passant par Deauville ou le concert où ils font scandale. Jusqu'au jour où ils sont arrêtés pour conduite en état d'ivresse et usage de stupéfiants...
Hell et Andrea sont des caricatures de caricatures de grands bourgeois en crise existencielle, entourés de pantins qui ont encore moins le temps de faire semblant d'exister. Mais bon, peut-être qu'il existe quelque part dans le VIII° des gens comme ça. Admettons.
Le problème est qu'à aucun moment on ne croit à ces personnages, devant un tel enfilage de clichés et de situations à la fois prévisibles et artificielles. Du coup, on en vient à éprouver une gêne pour les acteurs, particulièrement Sara Forestier (César du meilleur espoir féminin dans "L'Esquive") qui défend courageusement son personnage, et réussit à lui donner un peu de crédibilité, particulièrement dans deux scènes : quand, sommé par Andrea de chanter dans un cabaret, elle entonne "Il était un petit navire", et la scène de l'arrestation où elle emmerde Sarkozy avec une énergie sympathique.
Un des ressort de l'intrigue est l'opposition entre Hell et lui : Andrea assume les coutumes de sa caste, par exemple en participant à une vente de charité au profit des orphelins du Tsunami, alors qu'elle perçoit l'hypocrisie du système. Mais cette rebellion sonne faux, malgré -ou à cause- de la complaisance à vouloir prendre à témoin le spectateur.
Il est curieux de constater les similitudes scénaristiques avec un autre film à l'affiche : "Marock" : même milieu privilégié, même boîtes de nuit, mêmes courses de voitures, jusqu'au destin tragique du héros. Mais là où Laïla Marrackhi réussissait à insuffler un peu de vérité puisée dans sa propre expérience, Bruno Chiche reste extérieur et traite ses personnages et ses situations avec autant d'empathie qu'un entomologiste pour ses insectes. Et montrer le malheur de ces gens se limite alors à filmer toutes les façons d'allumer compulsivement une cigarette... "Hell" cherchera peut-être à se présenter comme le film d'une génération. Il n'est que la nième avatar des "Tricheurs", une actualisation à peine moderne des pires films (un pléonasme) de Vadim.
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