Avec Faussaire, nous avons l'exemple même du film qui aurait dû être un pur objet commercial, si l'on se référait aux filmographies du réalisateur Lasse Hallström, abonné aux mélos sirupeux depuis Gilbert Grape, et de Richard Gere, acteur que l'on ne présente plus car prisonnier de son rôle d'icône de séducteur des années 80 (en plus de faire la une assez souvent en tant que président du fan-club du Dalaï-Lama, à ses heures perdues). Or, il n'en est rien, et seul le cinema peut amener des gens à se surpasser.
Bien entendu, le film est terni par un certain classicisme, empêchant toute émotion brute, tout procédé cinématographique personnel, mais ce classicisme n'accouche pas non plus d'une oeuvre laborieuse. Le réalisateur du Chocolat n'a jamais paru aussi sobre et Richard Gere trouve véritablement là le rôle de sa vie, depuis les Moissons du ciel de Malick, qui avait lancé sa carrière. C'est même le tandem Gere/Molina tout entier qui est formidable d'entrain : on joue au jeu des deux accolytes, les suivant en totale empathie lors de leurs "escroqueries". Parmi les seconds rôles, on reconnaîtra comme toujours le talent indéniable du croustillant Stanley Tucci, habitué aux rôles de patron depuis Le Terminal de Spielberg.
On regrettera bien entendu le manque de folie dans la réalisation, de la part d'une histoire qui pose des questions comme celles de la reconnaissance littéraire et de la création artistique dans son rapport au créateur, trouvant là un lieu d'expiation du refoulé et pouvant très vite être "avalé" par son objet d'étude.
La fin du film est ainsi révélatrice : si le réalisateur a senti dans cette histoire toutes les questions et tous les enjeux qu'elle posait, il se perd dans de multiples considérations, s'égare, et bâcle son dénouement, contrastant avec l'ensemble d'une oeuvre profondément vivante, portée par un scénario s'une fluidité étonnante.