Un illustre inconnu, Hossain Sabzian, entre chez des particuliers en se faisant passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf (un des réalisateurs iraniens les plus connus). Il est arrêté et traduit devant la justice. Kiarostami va filmer le procès et reconstituer certaines scènes. Quand il fait ce film étrange et déroutant, le cinéaste iranien est dans sa meilleure période : la fin des années 80 et les années 90, où il enchaîne Où est la maison de mon ami ?, Et la vie continue, Au-travers des oliviers, Le vent nous portera, Le Goût de la cerise (dans le désordre). Des années où il s'impose sur le plan international et devient un des réalisateurs les plus appréciés des milieux intellectuels, par son sens du cadrage, l'intelligence de ses scénarios et de ses mises en abîmes sur le cinéma. Ce film est un de mes préférés chez Kiarostami (avec Et la vie continue). On y retrouve toutes les qualités du cinéaste : une réalisation qui n'a l'air de rien mais qui est très travaillée ; un profond humanisme, une grande empathie avec les personnages, qui donne un film très émouvant. Tout au long du film, je me suis demandé pourquoi cette imposture. Et la réponse n'est pas évidente. L'accusation prétend que Sabzian prétendait être Makhmalbaf pour pouvoir entrer chez des particuliers et préparer un cambriolage. Mais quand on voit l'air pitoyable du personnage, j'ai du mal à l'imaginer en terrible criminel. Sabzian, lui, prétend plutôt vouloir changer d'identité, devenir quelqu'un, sortir de l'anonymat. L'ambiguïté du personnage est au cœur du film, illustrant la difficulté du travail de la justice pour établir la vérité. La vérité. Un mot qui est au centre du film. Vérité sur la culpabilité de Sabzian, d'où une réflexion sur la justice. Mais vérité aussi des images. Parodiant une fameuse citation de Godard, Brian De Palma a dit un jour : "Le cinéma, c'est le mensonge 24 fois par seconde". Ce film est idéal pour illustrer ce propos. Film sur une imposture, Close Up pourrait bien être lui-même une imposture. Kiarostami s'acharne à nous montrer qu'il fait un documentaire sur le procès, puis arrivent la reconstitution des scènes par le cinéaste, et d'un coup l'illusion s'écroule. Et le spectateur est dans la pire des situations : il ne peut décider s'il est face à un reportage ou de la fiction ? Vérité ou mensonge ? Close Up atteint ainsi une profondeur vertigineuse. Une fois de plus, sans avoir l'air de rien, le film se révèle impressionnant. Réflexions sur le cinéma, sur l'illusion, sur le sens et l'interprétation des images... C'est si rare de trouver un cinéaste qui force çà la réflexion en mettant son spectateur dans une situation d'indécision (là où, au contraire, trop de réalisateurs cherchent à tout expliquer), toute l'ambiguïté du film est résumée par la séquence finale, où les deux Makhmalbaf (le vrai et le faux) sont réunis sur une moto. Réalité et fiction. Vérité et mensonge.