Les évocations cinématographiques de mai 68 et de sa jeunesse ne sont finalement pas si nombreuses et «Les amants réguliers» (2004) pourrait bien être la plus juste. Presque tout y est: les barricades, les grands idéaux, le romantisme rimbaldien, les fumeries, les rêves opiacés, les amours libres, le désespoir sous perfusion, les slogans qui tiennent lieu de pensée ... Seule nous est (presque) épargnée la libération sexuelle (ouf!), suffisamment traitée ailleurs, avouons-le! Le problème, c'est qu'on est, quoi qu'on dise d'un soi-disant recul critique (qu'on ne vienne pas me dire que Garrel renie son passé!), dans le registre commémoratif de l'hagiographie nostalgique (si, si) ! Dès lors, à moins d'appartenir au cercle des croyants (ce qui n'est pas mon cas), il n'est pas inconcevable qu'on puisse se sentir parfois un peu largué! Les longues liturgies enfumées de ceux qui deviendront bientôt, pour la plupart, les «bobos», mieux que réconciliés avec le capitalisme naguère honni, .... pour celui qui ne pratique pas, c'est fastidieux! Reste la forme. Et là, je dois rendre à César ce qui est à César. La mise en scène, très sobre et très rigoureuse, est remarquable. La photographie de Lubtchansky (je ne fais que répéter ce qui a été dit cent fois mais qui est vrai) est absolument splendide, le noir et blanc permettant de contourner le problème de la reconstitution historique (même si la solution est éculée) en donnant au spectacle son parfum «vintage». Le montage est intelligent, la musique discrète et les acteurs sont bons. En clair, «Les amants réguliers» dépasse de cent mille lieux «Les innocents» de tonton Bertolucci (avec pourtant le même fils à papa Garrel), même si ce sont surtout les membres de la secte qui y trouveront du plaisir. À découvrir, si ce n'est fait!