Décidément, les années 90 furent la décennie des romances décalées, et avant l'amour ultra-violent entre deux tueurs en série tel que nous l'a montré Oliver Stone en 1996 avec son Tueurs Nés, et encore avant en 1993 le film romantique selon Tarantino avec le True Romance de Tony Scott (Tarantino n'était que le scénariste et le dialoguiste surtout (et autant dire que ça se voit)), elles s'étaient déjà ouvertes en 1990 sur la romance psychédélique de David Lynch : Sailor Et Lula (ou : trois raisons pour se mettre tout de suite au film romantique), qui fut le seul des trois à obtenir une consécration importante (même si entre True Romance et Natural Born Killers, je le considère comme le moins réussi à mes yeux, pour des raisons sur lesquelles je viendrai plus tard), et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit tout bonnement d'une palme d'or, largement contestable même si on sent bien dans le film tout le talent de Lynch pour raconter une histoire qui peut paraître simple (à savoir d'ailleurs que de tous les puzzles mentaux que le cinéaste nous aura livré, Sailor Et Lula est une véritable partie de plaisir à voir) mais d'une façon psychédélique et en s'incrustant en même temps dans l'esprit de ces deux tourtereaux en quête de liberté, tout le temps poursuivis par des peurs traumatisantes et des obstacles très peu surmontables, comme une mère plutôt folle sur les bords qui fera tout pour séparer sa fille, Lula de son amoureux Sailor (oui, rappeler les noms des protagonistes n'était pas forcément la chose la plus utile à dire en terme d'informations...), et ce par tous les moyens Dès la première heure, en plus de l'overdose de scène de fornications (soyons poli), on peut d'abord remarquer que si Lynch a pour une fois épuré son histoire d'incompréhensions et d'analyse à faire, même s'il garde justement toute son étrangeté de mise en scène et ses symboles à décrypter (on a notamment beaucoup d'allusions au Magicien D'Oz ainsi que beaucoup de références esthétiques au rouge sang (on aura vu pire comme assortissement)), l'ambiance et la mise en scène restent toujours aussi spéciales et dures à saisir, tout en s'inscrivant dans la période "Rock'n Roll" du réalisateur, ce qu'on voit notamment grâce aux sauts de musique du film, rythmé par une bande-son de qualité comme à l'habitude pour Lynch. Le film garde aussi le même genre de personnages totalement foutraques qui forment l'univers du metteur en scène avec surtout un Willem Dafoe totalement barré. Puisqu'on vient aux acteurs les deux on peut voir que déjà Laura Dern n'a pas peur de souvent se vêtir en tenue d'adam (Patricia Arquette dans Lost Highway du même réalisateur reste la championne dans cette catégorie-là), mais aussi que Nicolas Cage, déjà ici bien meilleur que dans ses rôles de série B qu'il enchaîne en ce moment, n'a vraiment pas peur du ridicule. C'est d'ailleurs là un des gros défauts du film, qui arrive à passer de moments choquants à moments totalement ridicules, ce qui donne au final un spectacle étrange, comme toute oeuvre de Lynch qui se respecte cela va de soi, mais qui donne une impression de bâclé (mention spéciale sur la fin, une des plus ridicules et des plus grotesques qu'il m'ait été donné de voir depuis un très long moment). Heureusement, le rythme se calme, la bande-son, le sexe, et plein d'autres aussi dans une deuxième partie qui gagne déjà en qualité, mais ce n'est clairement pas assez pour que je puisse admettre que ce film ait légitimement reçu une palme d'or. Pour le reste, on peut dire que le scénario se tient et arrive à nous maintenir sur notre fauteuil, en nous évitant de nous dire qu'après 5 minutes et déjà un éclatage de crâne, deux scènes d'"amour" et des dialogues un peu maladroits, on devrait sortir le disque du lecteur et faire autre chose. Conclusion : On a tout de même droit malgré tout à un bel hymne de liberté, qui va un peu trop loin mais souvent on ne sait pas vraiment si c'est à reprocher ou à mettre dans le rang des qualités, mais en tout cas Sailor Et Lula n'est clairement pas le meilleur Lynch, et surement pas le meilleur film d'amour décalé que j'ai pu voir. Pas mal, pour le reste, pour le reste...